Newsletter Amis de Royaumont – N°2 – Novembre 2015

Partager

Au sommaire : Une soirée avec les Amis, le 11 décembre | Impressions du festival 2015 | Entretien avec l’Ensemble Diderot | Entretien avec Jean-Philippe Wurtz


 Plus d’informations sur l’Association des amis de Royaumont


Une soirée avec les Amis de Royaumont

Vendredi 11 décembre 2015 à 20h à l’abbaye de Royaumont

Pour célébrer ensemble la fin de l’année et se retrouver à Royaumont avant le début de travaux qui débuteront à l’abbaye dès janvier 2016, la Fondation vous donne rendez-vous pour un dîner exceptionnel avec les membres de l’Association des amis de Royaumont.

Au cours de la soirée, vous aurez l’opportunité de déguster un menu spécialement concocté par le Chef de Royaumont évoquant les saveurs du potager, de rencontrer Charlotte Schumann, mezzo-soprano, et Elsa Marquet, flûtiste, stagiaires du laboratoire Frictions et boursières de l’Association … et surtout d’échanger ensemble.

Nous vous proposerons également, afin de contribuer aux missions d’intérêt général de la Fondation, de participer à une tombola qui vous permettra de remporter des lots aussi originaux que variés comme un cours de jardinage avec la Chef-Jardinier Maraîcher de la Fondation, d’en savoir plus sur les réseaux sociaux grâce à un apprentissage distillé par un membre de la cellule communication ou encore de gagner une nuit pour deux personnes dans une des chambres rénovées de l’abbaye .

Les Amis de Royaumont peuvent réserver dès maintenant et en priorité jusqu’au 18 novembre leur place au tarif privilégié de 49 euros* comprenant le diner (entrée/plat/dessert) et un verre de vin ou 85 euros pour une réservation effectuée pour deux personnes.

* Sur chaque dîner, le pôle Séminaires et réceptions de la Fondation Royaumont reversera 15 euros à l’Association des amis de Royaumont pour lui permettre d’octroyer les dernières bourses aux jeunes artistes venant se former à l’abbaye en 2015.

Pour les non adhérents à l’Association des amis de Royaumont, le tarif du dîner est de 59 euros par personne.

Renseignements et réservations auprès de Sybille De Negri
Règlement par chèque à l’ordre de : Fondation Royaumont
Association des Amis de Royaumont – 95270 Asnières sur Oise
amis@royaumont.com ou 01 30 35 59 85

• Vous êtes Ami de Royaumont et vous venez seul : 49 euros
• Vous êtes Amis de Royaumont et vous venez à deux : 85 euros
• Vous êtes Ami de Royaumont et venez avec un ami : 85 euros
• Vous n’êtes pas membre de l’Association des amis de Royaumont* : 59 euros

* Adhésion encore possible à l’Association des amis de Royaumont pour l’année 2015 à partir de 30€ (53€ pour une adhésion duo)

Les partenaires du dîner : Au Comptoir des Saveurs / Les Caves Saint Vincent / La Cave de Bacchus / SCAPNOR, magasin Leclerc de Conflans Sainte-Honorine

Revenir au sommaire


IMPRESSIONS D’UN FESTIVAL

La première quinzaine d’octobre a été le point d’orgue de l’activité musicale à Royaumont. De ces cinq journées exceptionnelles, nous avons retenu quelques points forts. Pardon pour les autres artistes et membres de l’équipe de Royaumont qui ont participé à ces événements car nous n’avons pas la place de les citer tous ici…

Scarlatti

La journée Scarlatti du 3 octobre portait bien son slogan « Vivi Felici » (vis heureux), ainsi que l’écrivait le musicien. En effet rien de tel que de confronter les différentes interprétations de quatre clavecinistes pour apprécier la variété de ses œuvres : la poésie de Diego Ares, l’énergie de Bertrand Cuiller, le naturel de Pierre Hantaï, la rythmique d’Aline Zylberajch ont éclairé les diverses facettes du compositeur. En outre, chaque récital a mis en regard ses œuvres avec celles de l’un de ses contemporains. Tour à tour, ils ont joué Antonio Soler, Jean-Philippe Rameau, Georg Friedrich Haendel et Carl Philipp Emanuel Bach, illustrant les influences réciproques. Olivier Fourés, en dansant, et Aline Zylberajch, en jouant, ont expérimenté une possible mise en espace de la musique de Scarlatti. Et n’oublions pas, données sous formes d’interludes, les danses baroques espagnoles interprétées par le guitariste Enrike Solinis.

Diego Ares (photo : Choukri Dje)

La fête a continué le lendemain avec des compositions du maître, d’Avison et de Haendel, défendus avec éclat par l’ensemble Le Caravansérail. Illustrant l’influence que Scarlatti exerce encore aujourd’hui, Aka Moon a proposé un éventail de métamorphoses très jazzy de sa musique.

La radio en direct

Entre-temps, le vendredi 9 octobre, France Musique a consacré une journée entière à Royaumont avec quatre émissions en direct. Saluons le magnifique travail du journaliste Jean-Baptiste Urbain, qui a organisé et coordonné toute cette journée. Nous n’étions pas très nombreux pour le début de la matinale de Vincent Josse et Nicolas Laffitte à 7h, malgré le café et les croissants offerts par la Fondation. Mais Francis Maréchal était bien présent pour répondre aux questions des producteurs, ainsi que Raphaël Pichon, dont l’ensemble Pygmalion est en résidence à la Fondation, et Jean-Philippe Wurtz, directeur du programme Voix nouvelles. L’ensemble Graindelavoix, également en résidence à la Fondation, s’est produit en direct tôt le matin, ce qui est une performance.
Tombés sous le charme, tous les interlocuteurs ont alors dit : « arrêtons de parler, écoutons-les encore. »

France Musique

À midi, pour son émission « Le passage de midi », Denisa Kerchova avait elle aussi invité quelques acteurs de la Fondation, dont Thomas Vernet, responsable de la Bibliothèque François-Lang. Elle a passé à l’antenne des pépites qu’elle a dénichées avec son aide : un enregistrement de François Lang au piano, un concert des Pink Floyd en 1971…

À 16h, le public était nombreux pour assister à l’émission « Le carrefour de Lodéon », où Frédéric Lodéon recevait beaucoup d’artistes qui ont joué en direct. Avec Open Jazz, Alex Dutilh clôturait la journée.

Voix, solistes et chœurs

Les 10 et 11 octobre, la voix était à l’honneur. L’émotion était palpable lors de l’interprétation de madrigaux italiens du XVIe et du XVIIe siècle par l’ensemble Profeti della Quinta. Elle a atteint des sommets dans la version habitée du Voyage d’hiver de Schubert donnée par l’immense Christoph Prégardien, accompagné par Daniel Heide. Par contraste, les Musiques pour un temps de désolation, interprétées avec brio par l’ensemble Pygmalion, dirigé par l’enthousiaste Raphaël Pichon, ont laissé une impression de joie et d’apaisement ; elles se concluaient en apothéose avec la cantate BWV 4 de Johann Sebastian Bach.

Vox Luminis
Vox Luminis (photo : Choukri Dje)

Le dimanche, retour au XVe siècle avec l’ensemble Graindelavoix qui interprétait des Vêpres chypriotes, faisant alterner des motets catholiques de Jean Hanelle avec des chants de tradition maronite et byzantine. Les voix très typées des chanteurs d’origine variée, disposés en cercle, produisent un effet envoûtant. Quant à l’ensemble Vox Luminis, qui a donné le dernier concert de la Saison autour d’œuvres vocales de Scarlatti et Esteves, il a impressionné l’auditoire par la clarté des voix et la précision des chœurs. Au début, on peut croire que l’ensemble se dirige tout seul. En effet, son chef, Lionel Meunier, chante parmi les basses, face au public et il faut un moment pour l’identifier. Mais quand il dit quelques mots à la fin du concert, on découvre un artiste plein d’humour.

Bravo à Sylvie Brély et Edouard Fouré Caul-Futy qui ont organisé ces journées avec maestria et ont su nous faire partager leur passion.

Revenir au sommaire


L’ensemble Diderot, de la résidence à l’enregistrement

L’ensemble Diderot a donné une Fenêtre sur cour[s] le lundi 7 septembre avec des extraits des sonates en trio de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville. Puis, il a passé plusieurs jours (ou plutôt plusieurs nuits) dans la Bibliothèque musicale François-Lang pour les enregistrer. René Beretz en a profité pour les rencontrer (de jour…). L’ensemble est actuellement composé de Johannes Pramsohler, directeur musical et violon, Roldán Bernabé, violon, Gulrim Choi, violoncelle, et Philippe Grisvard, clavecin. Pour cet enregistrement, la flûtiste Kristen Huebner s’est jointe à l’ensemble.

René Beretz : Comment s’est formé l’ensemble Diderot ?
Johannes Pramsohler : L’ensemble existe depuis 2009 mais il a beaucoup changé au cours des années. Je l’ai créé à la fin de mes études en Angleterre. Nous sommes basés à Paris et j’ai toujours voulu des musiciens qui habitent Paris pour pouvoir répéter. Son effectif actuel (deux violons, un violoncelle, un clavecin) date d’il y a un an. Notre effectif est international : Europe et Corée. C’est logique quand on se rappelle que le baroque a été le premier style mondial et qu’il a touché tous les pays d’Europe et même l’Amérique du Sud.

René Beretz : Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Gulrim Choi : J’ai rencontré Johannes Pramsohler à l’orchestre des jeunes de l’Union Européenne en 2011. On s’était perdu de vue pendant un an puis on s’est croisé par hasard dans le RER.
Philippe Grisvard : On s’est croisé au CRR (Conservation à Rayonnement Régional) de Paris.
Johannes Pramsohler : Effectivement, nous avons fait nos études ensemble au CRR de Paris pendant un an. Puis nous avons donné un récital ensemble à Magdebourg en Allemagne. Ensuite, j’ai décidé de me présenter au concours Telemann de Magdebourg. J’avais besoin de quelqu’un qui m’aide à travailler le programme. Philippe m’a beaucoup soutenu et encouragé. Et quand il n’était pas présent, nous échangions des SMS.
Roldán Bernabé : Nous avons joué ensemble dans un premier orchestre puis à l’orchestre baroque de l’Union Européenne en 2013.

René Beretz : Royaumont est un endroit où vous aimez bien vous poser. Pourquoi enregistrer ici ?
Johannes Pramsohler : En fait je n’ai jamais pensé à Royaumont comme lieu d’enregistrement. Je n’avais pas identifié de salle prévue pour cela. C’est Sylvie Brély qui m’a signalé que des enregistrements avaient déjà été effectués à Royaumont et je lui ai fait confiance. Cela convient particulièrement bien pour ce répertoire. En effet, les sonates en trio n’ont pas été conçues pour des salles de concert ou des salles immenses. C’est de la musique très élégante, conçue pour un petit salon. Cela fonctionne très bien dans la Bibliothèque musicale François-Lang où nous nous sommes installés. Nous avons un ingénieur du son qui s’occupe de tout : il est venu avec tout le matériel, les micros, etc.

René Beretz : Plus généralement, comment trouvez-vous Royaumont ?
Johannes Pramsohler : C’est un lieu très beau, très calme, idéal pour travailler. Et puis dormir sur le lieu de travail est bien agréable : quand on enregistre à Paris, après une heure de métro, on arrive stressé.
Roldán Bernabé : Quand on cuisine pour soi, cela prend du temps : ici, quand on arrive à la salle manger, les repas sont prêts.

René Beretz : Vous avez monté des programmes autour des sonates en trio. Pouvez-vous nous expliquer vos choix ?
Johannes Pramsohler : Une sonate en trio est une sonate avec une basse continue (comme toute la musique baroque) et deux voix de dessus, ce qui fait trois voix. La sonate en trio est le noyau de ce qui est devenu l’orchestre : en effet, elle s’est élargie en concerto grosso, dans lequel un groupe, souvent constitué de deux violons et d’un violoncelle, joue le concertino, tandis que le ripieno représente la base de l’orchestre.
Ce répertoire est assez souvent joué mais très peu enregistré. En outre, les musiciens ne le travaillent pas et le jouent souvent sans avoir répété. De notre côté, nous voulons effectuer un travail plus approfondi, surtout dans la formation avec deux violons. C’est avec deux instruments du même type que commence la vraie musique de chambre. Avec un clavecin, un hautbois et un violon, si tout le monde joue bien, on y arrive facilement. Mais dès qu’il y a un violoncelle et deux violons, il faut travailler beaucoup plus. Pour les sonates de Mondonville, nous alternons entre les formations avec violon, flûte, violoncelle, clavecin, et deux violons, violoncelle, clavecin.

René Beretz : Mondonville n’est pas le seul musicien dont vous ayez joué les sonates en trio.
Johannes Pramsohler : Nous avons également enregistré les sonates en trio de Johan Friedrich Meister, en collaboration avec le festival de Postdam. Nous avons commencé le travail sur ces deux disques à partir du printemps 2014. Pour chacun de ces programmes, nous essayons toujours de donner quelques concerts avant de les enregistrer.

René Beretz : Quelles ont été vos autres activités cette année ?
Johannes Pramsohler : Cette année, nous avons donné de nombreux concerts, avec des répertoires très variés. Le premier concert était un programme très varié de la cour de Dresde : Fux, Fasch, Haendel, Couperin. Nous en avons fait un disque. Un autre concert avait pour programme Biber, Erlebach, Pachelbel, Caldara, autour de la collection d’une bibliothèque privée en Allemagne. C’était un programme passionnant, surtout pour les deux violonistes car nous avons utilisé quatre violons différents, dont un violon piccolo, accordé une tierce au-dessus d’un violon normal, et nos violons accordés en scordatura. C’est le cas des sonates du Rosaire du Biber, dans lesquelles il faut modifier l’accord du violon.

René Beretz : Vous élargissez souvent votre petit ensemble de chambre pour en faire un petit orchestre. Par exemple, vous avez monté l’opéra Falstaff de Salieri au Théâtre d’Herblay au mois de mai. Lors d’une session de travail pour ce spectacle, vous avez donné une Fenêtre sur cour[s] à Royaumont en mars dernier.
Avez-vous d’autres projets de ce genre ?
Johannes Pramsohler : Nous avons monté un spectacle intitulé Combattimento, autour de Monteverdi et du Tasse. Il regroupe 7 musiciens et 3 chanteurs. Sa mise en scène comporte des vidéos et de très beaux costumes. Nous l’avons donné à Herblay, au théâtre de Rungis, à l’opéra de Clermont-Ferrand, en Italie.
Roldán Bernabé : Nous avons aussi donné en Allemagne cet été des concerts de cantates de Haendel et de Bach avec une des chanteuses qui a participé au Falstaff.
Johannes Pramsohler : Nous avons une collaboration régulière avec le Théâtre Roger Barat d’Herblay, où nous montons chaque année une œuvre inconnue. Les 16 et 17 avril 2016, nous allons y monter l’oratorio Athalia de Haendel. L’orchestre va être encore plus grand que pour Falstaff : nous serons 32 musiciens (pour Falstaff, nous étions 27), il y aura un chœur de 32 chanteurs et 5 solistes. Le 16 mars, toujours à Herblay, nous allons créer un petit spectacle intitulé Sur les femmes, avec un comédien qui récite des textes de Diderot. Par ailleurs, nous allons redonner Falstaff à Ludwigsburg en Allemagne en juillet 2016. Dans ces projets avec orchestre, il est important de pouvoir se reposer sur un petit noyau qui sait exactement ce qu’il fait.

René Beretz : Quels sont vos autres projets ?
Johannes Pramsohler : Nous sortons un disque de concertos de violon de Montanari [il est sorti le vendredi 11 septembre] pour lesquels nous sommes dix musiciens. Nous donnons un concert à Paris pour accompagner la sortie du disque. Puis nous allons travailler notre nouveau répertoire. Nous avons prévu des concerts pendant l’été 2016 et en 2017. Je suis aussi en train de préparer une petite tournée aux États-Unis.

René Beretz : Comment définiriez-vous l’originalité de votre ensemble ?
Gulrim Choi : En musique de chambre, il est rare de disposer de temps pour travailler. On ne peut pas se concentrer sur un genre particulier. Les musiciens changent beaucoup. Il est rare d’avoir un ensemble stable qui permette de travailler correctement.
Johannes Pramsohler : Cela nous permet de travailler le style. Ainsi, cela fait des semaines que nous ne faisons que travailler ces œuvres de Mondonville et essayer de trouver les bons ornements pour la musique française. En juin, nous avons travaillé les sonates de Meister, dans lesquelles il y a de nombreux mouvements de danse. Nous avons vraiment essayé de caractériser tout cela. Et en petite formation comme la nôtre, nous pouvons aller au fond des choses.

(photos : FM) 

Revenir au sommaire


Jean-Philippe Wurtz prend la tête de Voix nouvelles

Depuis septembre 2015, Jean-Philippe Wurtz a succédé à Marc Texier en tant que directeur artistique du programme Voix nouvelles, consacré à la musique contemporaine à Royaumont. Nous l’avons rencontré à la fin d’une longue journée de travail destinée à mettre en place les nouvelles orientations du programme. Il se présente…

Jean-Philippe Wurtz : Je suis chef d’orchestre et directeur artistique de l’ensemble Linea, que j’ai fondé il y a une quinzaine d’années, ensemble qui a été en résidence à la Fondation Royaumont entre 2009 et 2012. Cette résidence s’est prolongée par des projets supplémentaires comme Les contes de la lune vague après la pluie que nous avons créés l’année dernière à Rouen, à l’Opéra Comique à Paris et à Genève. En tant que musicien, j’aime beaucoup la création, je suis très investi dans l’idée de faire vivre de nouvelles œuvres, de nouveaux projets. C’est quelque chose qui me motive beaucoup.

Les Amis de Royaumont (LAR) : Quand l’ensemble Linea était en résidence, il a participé aux sessions de composition. Pouvez-nous nous en parler ?
Jean-Philippe Wurtz : Je récupère un bien bel outil puisque le concept qu’avaient formulé Brian Ferneyhough et Marc Texier était extrêmement abouti. Il a fait ses preuves puisqu’il a fonctionné pendant plus de 20 sessions. Sa durée de 3 semaines permet un travail en profondeur. Ce modèle assez unique se distingue de beaucoup d’autres académies de composition où l’approche est beaucoup plus superficielle.
Le deuxième aspect original de ces sessions est de faire appel à des ensembles de réputation internationale pour jouer ces travaux. De cette façon, les jeunes compositeurs peuvent s’apercevoir quels sont les problèmes inhérents à leur partition, quels points restent à régler. Ils ne peuvent pas avoir de doutes sur la qualité de l’interprétation.
Mais les compositeurs nous poussent constamment dans de nouvelles directions. Même un très bon ensemble peut rencontrer des difficultés. Il arrive que des compositeurs nous révèlent des possibilités de l’instrument que nous n’avions pas soupçonnées.
Ces ensembles extrêmement établis aiment dialoguer avec les jeunes compositeurs ; ils ne sont pas là pour juger leur travail, qui est encore un travail d’étudiant, mais pour les aider en leur proposant des solutions alternatives, en expliquant les limites de telle tentative extrême sur les instruments. Je vais continuer cette formule à Royaumont. Mais parallèlement, je ferai aussi beaucoup de place à de jeunes ensembles car nous assistons à une progression extraordinaire du niveau instrumental et de l’engagement des interprètes sur ce répertoire.

LAR : Cela n’était pas le cas précédemment ?
Jean-Philippe Wurtz : Depuis 10 ans environ, le niveau n’arrête pas de monter. Des musiciens en train de terminer leurs études décident de se consacrer à ce répertoire. Ils ont un niveau absolument phénoménal : c’est très encourageant pour la création.
Autre innovation, la session de composition sera désormais ouverte également aux interprètes. En 2016, les ensembles invités seront deux très bons ensembles anglo-saxons, l’ensemble Talea de New York et l’ensemble Exaudi de Londres. Ils encadreront des jeunes musiciens qui viendront ici pour se perfectionner dans le domaine des musiques d’aujourd’hui. La session aura lieu du 21 août au 9 septembre. Les Fenêtres sur cour[s] se tiendront le 9 septembre.

LAR : Plus généralement, quelle orientation allez-vous donner au programme Voix nouvelles ?
Jean-Philippe Wurtz : Je vais travailler par thématiques légères. Je voudrais renforcer certains points qui, à mon avis, manquaient jusqu’ici pour donner plus d’ouverture : je voudrais traiter sérieusement des œuvres mixtes, comportant par exemple de la vidéo, ou des œuvres impliquant une dimension scénique, donnée par les musiciens, ce que font par exemple Aperghis et Globokar. Dans ces œuvres, en plus de jouer de leurs instruments, les musiciens ont des textes à dire, des actions à faire. Ces domaines ne sont pas suffisamment traités dans les formations. Je ne connais pas de formation qui traite spécifiquement de la vidéo. Et les œuvres qui l’utilisent ne sont pas toujours convaincantes.
La formation joue un grand rôle : cela a été le cas avec l’électronique. L’IRCAM a fait un travail de formation extrêmement important dans ce domaine pendant de nombreuses années si bien que maintenant les compositeurs produisent des œuvres qui marchent bien. Au début de l’électronique, l’outil, par sa puissance, hypnotisait les compositeurs. Ceux-ci perdaient complètement la boussole et produisaient des œuvres extrêmement complexes, réussies d’un point de vue intellectuel et technique mais pas du tout intéressantes du point de vue artistique.
Une formation à ces nouveaux domaines doit comprendre deux volets : un volet technique, parce qu’il faut donner aux compositeurs la maîtrise de ces outils très complexes mais aussi une réflexion esthétique autour des buts de l’artiste et du sens à donner à ces outils.
Je voudrais bien introduire ces sujets à Royaumont, ainsi que d’autres comme la transgression instrumentale : c’est ce que fait Lachenmann quand il fait jouer du violon de toutes les manières possibles sauf avec l’archet à la corde, c’est-à-dire en utilisant toutes les potentialités du violon qui ont été mises de côté parce qu’on a privilégié un seul aspect de cet instrument.

LAR : Royaumont accueille des activités variées. On parle beaucoup de transversalité. Quelle est votre position à ce sujet ?
Jean-Philippe Wurtz : Je suis venu ici avec l’idée de créer du lien avec les autres pôles artistiques. On en discute quotidiennement à la Fondation car ce n’est pas simple à réaliser, en particulier pour les disciplines artistiques éloignées. Il faut définir un vrai enjeu artistique, engager un projet de qualité et il faut trouver les acteurs qui partagent ce désir.
C’est dans l’esprit du temps. Et je tiens à désenclaver la session de composition. En faire moins une session de composition purement écrite. Depuis 25 ans, le monde de la création a beaucoup évolué et les aspects transversaux font partie du quotidien de certains compositeurs, qui ne viennent plus forcément du monde des conservatoires et des musiques écrites. Certains viennent du rock ou du jazz et ils font de la très bonne composition. Il faut suivre cette évolution.
La session de composition ne doit pas être uniquement théorique mais également pratique et collaborative : il faut apprendre à ces jeunes compositeurs à travailler avec d’autres artistes, non seulement des danseurs, des chanteurs, des interprètes (cela se faisait déjà), mais aussi des metteurs en scène, des scénographes, des dramaturges, des chorégraphes, des créateurs lumière. Il y a un vrai manque dans ce domaine. Un jeune compositeur a beaucoup de mal à collaborer avec le metteur en scène : il subit un choc quand quelqu’un d’autre prend sa partition et explique sa propre vision. On a trop souvent tendance à dire que c’est parce que le metteur en scène a des idées farfelues, qu’il n’a rien compris à la musique. Mais on ne peut vraiment pas faire un procès au metteur en scène : il fait juste son travail.

LAR : Comment mieux diffuser la musique contemporaine, qui reste une niche assez étroite ?
Jean-Philippe Wurtz : C’est en train de changer : je reviens juste du Festival Musica à Strasbourg où j’ai joué avec l’ensemble et j’ai assisté à de nombreux concerts. Ce sont des succès publics extraordinaires, les salles sont combles et le public est enthousiaste, il y a des standing ovations, on a dû donner des bis. Il n’y a pas que Musica. Lorsque nous avons donné Les contes de la lune vague l’année dernière à l’Opéra Comique, à Genève et à Rouen, nous avons eu à chaque fois de très gros succès publics. Alors qu’il y a une dizaine d’années, l’ensemble jouait parfois devant des salles clairsemées, cela n’arrive plus. Il y a encore une frilosité chez certains organisateurs qui ont été un peu traumatisés par les années 70, 80, où des institutions comme l’IRCAM ou l’Intercontemporain ne tendaient pas beaucoup la main et où certains compositeurs et interprètes avaient des discours trop techniques. Aujourd’hui, Les institutions et les compositeurs ont changé d’attitude et s’engagent dans la médiation. Les compositeurs ont un discours de témoin, d’artiste, ils parlent des motivations de leur œuvre, qu’elle soit culturelle, géopolitique ou spirituelle.

LAR : Comment ce discours se retrouve-t-il dans la session de composition ?
Jean-Philippe Wurtz : Nous avons des compositeurs qui viennent du monde entier, certains de zones difficiles, de pays qui vivent des mutations parfois dramatiques. On ne peut pas oblitérer ces aspects-là quand on dialogue avec eux. Eux ne le souhaitent pas du tout. On ne peut pas parler que de timbres ou de séries. Il est important d’écouter comment sonnent ces parties du monde soumises à des tensions importantes.

LAR : Les musiciens qui viennent dans le cadre de l’unité des musiques transculturelles sont dans le même esprit.
Jean-Philippe Wurtz : Tout à fait : cela va faciliter la collaboration entre les deux unités. Mais l’élaboration des projets prend du temps. Le temps de la recherche, le temps de l’erreur, le temps de l’hésitation sont indispensables à la création. C’est quelque chose qui manque de plus en plus dans notre société. Royaumont donne du temps aux artistes et c’est extrêmement précieux.

(photo : D.R. et René Beretz) 

Revenir au sommaire


Un billet pour le souvenir 

Les concerts à Royaumont ne datent pas d’hier. En effet, le premier d’entre eux a eu lieu le 27 juin 1936. Organisé par la Revue Musicale, son programme comprenait des œuvres de Purcell, Josquin des Prés, Johan Sebastian Bach, Antoine Brumel et Févin. Voici un billet d’entrée émis il y a près de 80 ans.

Revenir au sommaire