Hommage à Frédéric Deval

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Notre très cher Frédéric Deval, directeur du Programme des Musiques Transculturelles de la Fondation Royaumont, nous a quittés ce dimanche 27 mars après plusieurs mois de combat contre la maladie.

Frédéric avait rejoint l’équipe de la Fondation au printemps 1998 pour assurer aux côtés de Marcel Pérès la direction exécutive du Centre européen pour la recherche et l’interprétation des musiques médiévales.

Après l’éclatante réussite des rencontres musicales qu’il avait organisées en 1999 pour le Temps du Maroc, je lui ai proposé de créer en 2000 un nouveau département dédié aux musiques orales et improvisées, devenu Programme des Musiques Transculturelles en 2013.

Sa longue fréquentation du flamenco, sa passion pour la création artistique, je pense en particulier à sa rencontre décisive avec Maurice Ohana, lui ont permis de concevoir des projets d’un genre nouveau : il a ainsi su provoquer des rencontres entre des langages musicaux apparemment les plus éloignés les uns des autres mais dont il avait, avec une intuition extraordinaire, décelé qu’ils partageaient des éléments de vocabulaire commun, rythmique, modal…

Les créations nées de ces rencontres longuement préparées par Frédéric puis mûries dans ce lieu de l’hospitalité comme il aimait appeler Royaumont, se sont succédé au fil des années.

Plus qu’une démarche artistique, fondée sur une constante prise de risques qui nous réjouissait, c’était une philosophie du monde qui inspirait le travail de Frédéric. Il avait une confiance inébranlable dans l’homme et sa capacité à se révéler et à se transformer par la rencontre avec l’autre.

Féru de débats d’idées, encourageant l’analyse critique, Frédéric avait su associer les sciences sociales à ses aventures artistiques, ouvrant de nouvelles voies de dialogue. Personne n’a incarné mieux que lui la vision humaniste des créateurs de la Fondation.

Il a apporté au projet de Royaumont un souffle et une ouverture au monde qui nous inspireront longtemps. Grâce à lui, comme le disait son ami Dino Saluzzi, « Royaumont est devenu le seul lieu au monde où Buenos Aires est à vingt mètres de Téhéran ».

Toute l’équipe de la Fondation, profondément touchée par le départ de Frédéric Deval, s’associe à la douleur de son épouse Ghislaine et de ses enfants, Laure, Alexandre et Raphaël.

Francis Maréchal

       

Les témoignages de l’équipe de Royaumont 

Frédéric… Mon premier « chef »… Tu as partagé avec générosité tous les savoirs dont tu disposais. Tu m’as appris à écouter la rumeur musicale du monde. Aujourd’hui encore j’entends ce chant que tu m’as appris à entendre. De ton contact j’ai hérité cette habitude de traiter mes collègues avec cette même logique de respect et de partage. Ces quelques années de travail à tes côtés ont impulsé toute ma vie professionnelle. Merci, Frédéric.
Christine

Frédéric, tu resteras dans mon cœur et ma mémoire comme un magnifique passeur d’idées, initiateur de nouvelles passerelles artistiques et intellectuelles.
Nous nous connaissions depuis longtemps et grâce à toi, j’ai grandi musicalement et je me suis ouverte sur le monde.
Ton humanité attirait des artistes porteurs de cette valeur si précieuse dans ces périodes de guerre aveugle.
Je pense avec émotion à la douleur de ceux qui t’aimaient et que tu aimais et je leur adresse mes affectueuses pensées.
Je suis triste de t’avoir perdu mais là où tu es parti peut être pourras-tu retrouver certains des grands artistes qui t’ont précédé dans ce voyage… et reprendre avec eux de superbes échanges musicaux.
Nathalie

Frédéric, mon ami, mon mentor. J’ai tant à dire de l’homme que tu es et resteras pour moi. Nous avons partagé l’essentiel, l’art d’être ensemble, selon tes mots « comment connaître les autres en se connaissant soi-même et comment se connaître soi-même en connaissant les autres, à travers nos expressions ». A tes côtés, j’ai voyagé dans un monde sans frontières, toujours en quête d’émotion, de surprise, de recherche, de réflexion. Ta parole, ton engagement, ta culture bouillonnante, ton élégance, ta sagesse restent et resteront. Tu nourris mon présent et nourriras mon futur. Beau voyage dans l’invisible.
Samuel

Un savant complice dont la transcendance était quotidienne, certain que tu rejoins les alchimies et ondes musicales intemporelles que tu as su laisser s’échapper de notre monastère artistique.
Sylvain

Savant immense à la sensibilité musicale inouïe, chercheur d’expériences, preneur de risques et auditeur rare de la rumeur du monde, de ses cicatrices. Il est de celui qui incarnait une rare pensée musicale. Son dernier projet avec Magic Malik s’appelait « Jour de fête » et son prochain projet en création s’appelle « Kit de survie ». Résonance funeste. Ton écoute, ta poésie, ton audace et ta vision du monde nous manqueront. Ce que tu nous as laissé est immense.
Edouard

Mon Frédéric, mon griot, mon poète, à présent je me sens seule sous l’arbre à palabres.
Ton amitié va me manquer.
Anne-Sophie

Nous avons fait de si beaux voyages ensemble et avec les artistes de Baagal Safrea, du Slam au souffle, du banquet polyphonique géorgien…
La route ne s’arrête pas là et mes pensées affectueuses t’accompagnent pour ce long voyage.
Catherine

Un grand passeur s’en est allé…
Carole

A peine arrivée à Royaumont, j’ai trouvé en Frédéric un compagnon de dialogue sur l’esthétique et la politique, partageant goûts et coup de cœur pour des artistes Kamilya Jubran, Bertrand Cuiller, Fabrizio Cassol. Il nous a fait découvrir Keyvan Chemirani, Serge Teyssot-Gay, Magic Malik et tant d’autres… Paix à son âme et que son esprit nous inspire.
Sylvie

Frédéric reste et restera une légende pour Royaumont, pour le respect qu’il avait de tous, ses précieuses connaissances et son amour pour la musique.
Il est difficile de s’exprimer en quelques mots, l’émotion est beaucoup trop grande.
Josiane

Je conserverai de Frédéric le souvenir vivant d’un amoureux des mots et des sons qui se jouent des frontières, d’un poète humaniste à jamais passeur.
Thomas

Ils sont tellement d’artistes à avoir posé leurs bagages des quatre coins du monde pour partager avec nous de si beaux moments de rencontre musicale et humaine à Royaumont mais aussi à Eragny, Gonesse, Persan, Argenteuil,… grâce à toi, ton esprit de curiosité infini et ton incroyable générosité. Merci, cher Frédéric !
Marina

Difficile d’imaginer une saison sans ton rire, sans nos prises de bec sur tes textes trop longs, plein de ces mots improbables que tu aimais inventer… Mais garder en mémoire nos échanges, et les si belles découvertes musicales et humaines faites grâce à toi…
Périne

Cher Frédéric,
Tu as été pour moi un guide, un maître et parfois un père.
La première fois que je t’ai rencontré j’ai tout de suite pensé « c’est avec toi que je veux travailler, c’est de toi que je veux m’inspirer ».
Et puis l’aventure d’AlefBa a commencé avec ta phrase « bienvenue à bord du bateau ».
Maintenant c’est à moi de t’augurer bon voyage. Je le fais en pensant à ton enthousiasme quand les artistes arrivent à Royaumont, à ton costume gris que tu mettais pour les concerts (et que je n’ai jamais aimé), à ton écharpe bleue électrique (que j’ai toujours aimé), aux textes perçants et ironiques que tu écrivais, au parfum de ton bureau, à la générosité de ton regard, aux blagues improbables que tu faisais à table et surtout à ta manière unique d’interpréter ce monde.
Tu as fait beaucoup pour aller contre l’obscurantisme qui gagne du terrain dans le monde actuel, mais aussi contre la banalité des représentations de ces et des autres mondes.
Ca y est la graine a été plantée, je l’arroserai et la protègerai du vent pour la voir grandir et devenir une plante magnifique. Une partie de toi reste en moi, en nous tous qui avons partagé un moment de notre vie avec toi.
Virginia

Lors de mon premier jour à Royaumont alors qu’on me faisait faire le tour des bureaux, il m’a dit « mon bureau est toujours ouvert n’hésite pas » et en montrant sa tonne de disques « et ça c’est pareil c’est fait pour être écouté, si tu as envie tu te sers »… Son rire va me manquer.
Sébastien

Du souvenir de Frédéric, il me restera ce qu’il nous apportait au quotidien : le respect, la douceur, la générosité, les valeurs humanistes qu’il portait et qu’il véhiculait, son ouverture d’esprit sur le monde, sa volonté de nous faire échanger et partager, son plaisir de nous faire découvrir des musiques, des cultures et… son rire. L’être humain, l’Homme que tu étais va terriblement me/nous manquer.
Mélanie

Frédéric, pour ton art de la relation et de la création, du temps et du bon temps, de la poésie et de la sympathie, de l’utopie et de la rêverie, merci. Longue vie à tous ces arts, longue vie à ton esprit. Tu m’as beaucoup appris. Merci.
Julie