60 ans de la Fondation Royaumont : témoignages d’artistes

Partager

Créée en 1964, la Fondation Royaumont célèbre cette année ses 60 ans.
De nombreux artistes témoignent de ce qu’elle leur a apporté : Vincent Dumestre, Naïssam Jalal, Jocelyn Mienniel, Leïla Ka, Geoffroy Jourdain, l’ensemble ApotropaïK, Johanna Vargas

Vincent Dumestre :

« Quelle émotion de retrouver la Fondation Royaumont ! Ce n’est pas seulement la chance de pouvoir s’y produire avec un nouveau projet artistique et de profiter de la qualité du lieu pour y travailler et y rencontrer le public. C’est aussi pour le Poème Harmonique, un anniversaire, celui des 20 ans qui nous séparent de notre grand projet du Bourgeois Gentilhomme en 2004, que nous avons préparé, travaillé, conçu et répété dans ses murs. Ce sont tous les souvenirs émus d’une équipe qui faisait ses premières armes dans le répertoire de l’opéra français, d’artistes – Benjamin Lazar, Cécile Roussat, Julien Lubek… et quelques soixante autres ! – qui s’apprécient toujours, et qui, pour certains, ne se sont jamais séparés. C’est cette magnifique Fondation, qui est à l’origine de ce qui a constitué une partie de l’ADN de notre Poème Harmonique, et a aidé à en faire une véritable famille d’artistes. Voilà ce que nous retrouvons à Royaumont, et ce pourquoi nous sommes infiniment reconnaissant à Francis Maréchal, à François Naulot et à la nouvelle équipe de la Fondation, hier et aujourd’hui. »

Naïssam Jalal : 

« L’abbaye de Royaumont est à mes yeux le plus doux et paisible lieu de création où j’ai été accueillie jusqu’à présent. Tout y est fait pour qu’on n’ait rien d’autre à penser que créer, inventer, chercher, travailler, rêver. C’est un lieu où je me sens infiniment bien. Ce qui fait la particularité de Royaumont par rapport aux autres lieux de création, c’est la présence d’un département de musiques transculturelles (dans lequel ma résidence a eu lieu). Il s’agit à mon sens d’une initiative à l’avant-garde de la compréhension de ce que les rencontres transculturelles peuvent apporter à la richesse de l’expression musicale et artistique en général. C’est aussi une prise de position remarquable dans une société qui tend chaque jour un peu plus vers le repli identitaire, le racisme et la xénophobie. Je suis honorée d’avoir pu participer à mon humble niveau au développement d’une expression musicale transculturelle. Je suis très heureuse de participer à la célébration des 60 ans de la Fondation et je lui souhaite une belle vie pleine de création et d’ouverture. »

Jocelyn Mienniel : 

« J’ai toujours considéré cet endroit comme un lieu chargé d’art, de culture et d’intégrité artistique. Ma perception de l’abbaye de Royaumont est celle d’un lieu où le geste artistique ouvert sur le monde avec un regard transdisciplinaire et transculturel est le bienvenu.
Lorsqu’on m’a proposé d’être artiste associé, en résidence pour plusieurs programmes, j’ai pris cela comme quelque chose d’important dans mon parcours d’artiste, comme une étape fondamentale dans ce que j’allais pouvoir défendre et développer sur scène.
En tant que flûtiste et donc jouant l’un des instruments les plus anciens de l’histoire de la musique, j’ai un regard sur l’histoire de la musique qui est entier, allant des musiques traditionnelles au jazz jusqu’aux musiques contemporaines et électroniques.
Être à Royaumont me permet d’imaginer toute forme de musique, ce que je pratique régulièrement, des grands écarts sans cesse entre des mondes qui parfois ont du mal à cohabiter : avec le monde de la gastronomie  par exemple.
J’ai passé beaucoup de temps dans cette abbaye, un peu isolé du monde pour réfléchir à ma musique et cerner qui j’étais, et si au début je me sentais comme invité dans ces espaces, dans ces jardins ou dans ces cloître, j’ai très vite eu envie d’inviter d’autres artistes à me rejoindre parce que je me suis senti chez moi. Je pense que c’est ça la force de l’équipe de la fondation, c’est de nous accueillir de manière très chaleureuse, comme si nous étions chez nous.
Participer à un anniversaire, c’est être vivant au cœur même d’un événement.
Cette année tout particulièrement, c’est Royaumont qui me fait confiance en me commandant un programme avec la fondation Mahler autour du Chant de la Terre de Gustav Mahler et je me sens plus que jamais animé d’une flamme intérieure, pour perpétuer la direction artistique de la Fondation que j’admire depuis tant d’années. »

Leïla Ka :

« J’ai eu la chance de venir plusieurs fois à l’abbaye de Royaumont : pour y travailler ma dernière création et pour y jouer in situ deux de mes petites pièces. Dans ce lieu magnifique, classé, plein de poésie, chargé d’histoires, on s’en invente et on en raconte librement. Dans le studio des charpentes aux heures que l’on souhaite, dans le grand parc entre ses arbres et ses canaux, sous les voûtes du grand réfectoire, en toute liberté. La Fondation Royaumont soutient, accueille, encourage des artistes et leurs créations, je suis très chanceuse de faire partie de ceux qu’elle aide. Et très heureuse d’être conviée à son 60ème anniversaire en septembre 2024. »

Geoffroy Jourdain :

« Étudiant, j’étais toujours très impressionné et encombré par la frontière qui me séparait des artistes en tant qu’auditeur. C’est à Royaumont que je me souviens avec précision avoir découvert la possibilité – la nécessité, ai-je compris depuis – d’une autre relation d’écoute et de partage entre interprètes et public. Je pense que ce bouleversement a déterminé en profondeur mes aspirations artistiques par la suite, et par conséquent mes rapports aux autres, chanteurs, instrumentistes, compositeurs, amateurs, professionnels, étudiants, publics, artistes issus d’autres disciplines.
Toutes et tous se rencontrent à Royaumont, redéfinissent sans cesse les contours et l’histoire de ce lieu ancré dans l’histoire et toujours en transformation, où le patrimoine se met au service de savoir-faire immatériels et de l’imagination. À moins que ce ne soit l’inverse. 
C’était il y a un quart de siècle, et ce jour-là, j’ai formé le vœu de pouvoir à mon tour explorer cette vision artistique nouvelle qui me semblait naître de ces murs. J’ignorais à l’époque qu’elle était pensée et portée par cette même personne, Francis Maréchal, qui, en offrant quelques années plus tard sa confiance aux Cris de Paris, nous permettrait de nous épanouir.
J’y ai depuis été formateur, intervenant, interprète, j’y ai créé de nombreuses partitions nouvelles, avec des instrumentistes et chanteurs, enfants et adultes, de tous horizons, j’y ai fait naître de nouveaux spectacles, recréé des œuvres du passé, j’y ai enregistré, j’y ai noué de nombreuses amitiés, j’y ai un peu pleuré et beaucoup ri, j’y ai vu des brouillards épais, des nuits pleines d’étoiles et le soleil s’y lever. L’histoire des Cris de Paris s’est inventée à Royaumont. 
Et chaque fois que j’y reviens, je repense à cette joie vibrante de ma première visite, je reforme en secret le même vœu intact de découverte, celui d’y écrire toujours une histoire nouvelle, un autre récit. »

Ensemble ApotropaïK : 

« Qu’est-ce que cela représente pour nous de participer à la célébration des 60 ans de la Fondation ? Le simple fait d’être en résidence à la Fondation nous inscrit dans l’histoire des ensembles en résidence, dans une continuité extraordinaire. Ça tisse un lien finalement avec des artistes qui ont été pionniers dans un certain répertoire, c’est une passerelle dans le temps.
Cette continuité artistique marque aussi une étape dans la vie du lieu, un lieu dans un état remarquable de restauration ! Ce lieu de résidence, parce qu’il est patrimonial, fait d’autant mieux résonner nos musiques qui sont elles aussi patrimoniales. Jouer des musiques médiévales dans un lieu initialement médiéval nous inspire et apporte une dimension extraordinaire à notre travail. Ce n’est pas un simple lieu de résidence ! Evidemment, on nous apporte beaucoup de facilités en termes de logistique, comme dans n’importe quel lieu de résidence, mais cette dimension patrimoniale est unique.
Etre à Royaumont, c’est aussi être accompagné par une équipe, qui on le  sent – on vient d’en discuter avec Catherine Huet, Catherine qui est là depuis 20 ans et qui a une connaissance parfaite du lieu, des environs – est très attachée au projet et a à coeur de nous faire nous sentir comme à la maison. Etre intégré dans cette équipe pendant 3 ans, c’est une grande chance. »

Johanna Vargas :

« Cette résidence m’a apporté inspiration, rencontres et impulsions. J’ai eu l’occasion d’échanger et de collaborer avec de jeunes compositeurs du monde entier, tissant ainsi un large réseau artistique avec d’autres institutions, scènes et festivals, comme Radio France ou la Philharmonie de Paris. Royaumont m’a généreusement accueillie et m’a offert un espace de création, d’expérimentation et de développement continu de mes recherches artistiques, ce dont je suis profondément reconnaissant. Son soutien a joué un rôle central dans ma carrière et est devenu partie intégrante de mon parcours musical.
Participer au 60e anniversaire de cette Fondation est un immense honneur. Célébrer les 60 ans d’une institution vouée à améliorer la qualité de la vie culturelle de nombreux artistes et à enrichir les expériences d’un public divers et dévoué avec une myriade de couleurs et de saveurs musicales est une véritable bénédiction. Faire partie de cette grande famille connue sous le nom de Royaumont est un privilège que je chéris profondément.
Je voudrais saisir cette occasion pour exprimer ma gratitude aux personnes remarquables qui m’ont soutenu tout au long de ce parcours. Parmi eux, Francis Maréchal, Jean Philippe Wurtz, Samuel Agard, Anne Montaron, Michèle Gagliano, ainsi que tous les formateurs, les jeunes compositeurs et l’équipe de Royaumont, que j’ai eu le plaisir de côtoyer au cours de ces quatre dernières années. Muchas gracias ! »