Restauration de la Vierge de Royaumont

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Chef-d’œuvre de la sculpture gothique, la Vierge dite « de Royaumont », a fait l’objet au mois de juillet d’une soigneuse restauration.

Après un nettoyage délicat par micro-abrasion à faible pression, les éléments des restaurations précédentes (comblages, goujons métalliques…), devenus néfastes pour la bonne conservation de l’œuvre, ont été retirés et remplacés par des matériaux neutres. Consolidée, harmonisée par une légère patine de ton ocre, elle est à nouveau visible dans les cuisines des moines de l’abbaye de Royaumont.


La Vierge pendant les travaux

 La statue pendant les travaux de restauration

Si toutes les abbatiales cisterciennes sont dédiées à la Vierge, cette sculpture ne provient pas de Royaumont et son histoire reste inconnue… Les spécialistes de la statuaire médiévale l’attribuent à un atelier francilien et la rapprochent du groupe stylistique dit des « belles Madones ».

Le culte marial se développe dès début du Moyen Âge et atteint son âge d’or au XIIe siècle, faisant du groupe de la Vierge à l’enfant un thème privilégié dans la sculpture gothique. Celui des « Vierges allaitant » apparaît dans la première moitié du XIVe siècle. D’abord essentiellement symbolique, cette figure évolue dans les années 1400 vers une forme plus charnelle, témoignant d’une volonté de représentation naturaliste. Ce nouveau style se caractérise par des Vierges aux silhouettes souples et élancées, aux visages tendres et aristocratiques, aux têtes menues coiffées de couronnes évasées. Elles tiennent, le plus souvent, leur manteau d’une main, l’autre bras portant l’enfant nu près de leur sein.

A Royaumont, la Vierge a très naturellement calé son fils dans le creux de sa taille et l’entoure de son bras droit. Elle le retient de l’autre main par ses langes et le regarde avec douceur. Il semble téter avec avidité, le regard ancré dans celui de sa mère, une main agrippée au voile qui retombe sur son épaule droite et l’autre jouant, peut-être, avec son corsage. Le traitement des tissus, les plis soulignant le déhanchement de la vierge et les doigts de l’enfant triturant l’étoffe renforcent le caractère familier, intime et maternel, de cette représentation.

Une religieuse de l’Association de Sœurs de la Sainte-Famille de Bordeaux raconte que cette sculpture a été trouvée à l’abbaye « toute détériorée, mutilée à un tel point qu’on l’avait reléguée dans un coin obscur. On dit qu’elle ornait autrefois l’église de Saint-Leu, mais le fait ne saurait être prouvé ; ce qui est certain c’est qu’elle n’appartenait point à l’abbaye de Royaumont mais à une autre abbaye des environs, et de la même époque. Les Pères d’Halluin et Fayette [1], amateurs des antiques débris de sculpture, se l’étaient procurée, mais n’avaient pas eu le temps, probablement, de la faire réparer ; les Sœurs de la Sainte-Famille n’y songeaient pas non plus lorsque, dans une visite à l’Abbaye, M. Froc-Robert [2] crut pouvoir tirer profit et parti de cette vieille sculpture. On la lui envoya dans ses ateliers de Beauvais. En mai 1885, il annonça que la réparation de la Madone étant terminée, il était prêt à l’expédier. » [3]

La Vierge dominant le cloître

La statue dominant le cloître, au début du vingtième siècle

Après cette « réparation » dont on ne sait rien, elle fut placée sur le pignon de l’ancien réfectoire des moines alors transformé en chapelle. Exposée aux vents et aux intempéries, donc, mais pas aux regards… Peut-être que ce tendre tableau fut jugé un peu trop naturaliste, précisément, pour qu’on le plaçât sous les yeux de jeunes novices ! La famille Goüin, après son acquisition de Royaumont en 1905, mit la statue à l’honneur (et à l’abri) dans son salon du bâtiment des convers.

Classée « monument historique » en 1963, elle est désormais exposée dans les cuisines des moines. Elle a également été présentée par deux fois dans le cadre d’expositions nationales : Le siècle de Charles V, au Grand Palais, du 9 octobre 1981 au 1er février 1982, et Paris 1400 : Les arts sous Charles VI au Louvre, du 22 mars au 12 juillet 2004.

La Vierge de Royaumont

La statue restaurée

[1] Deux religieux appartenant à la congrégation propriétaire de Royaumont entre 1864 et 1869.
[2] La maison Froc-Robert était un atelier de fabrication d’art religieux spécialisé dans l’art néo-gothique du XIXe siècle. Établie à Paris, dans le quartier de Saint Sulpice, elle possédait également un atelier de moulage à Beauvais.
[3] Archives des Sœurs de la Sainte-Famille de Bordeaux, propriétaires de Royaumont entre 1869 et 1905.