Lettre des Amis de Royaumont – N° 8 – Novembre 2019

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Au sommaire : Retour sur le Festival 2019Soirée annuelle des Amis de Royaumont


Avec la mezzo-soprano Marine Chagnon à la soirée annuelle des Amis

Le programme détaillé de la soirée du vendredi 13 décembre a enfin été arrêté.

Ce sera la mezzo-soprano Marine Chagnon, le baryton Timothée  Varon et la pianiste Katia Weimann qui animeront le moment musical.

Elève du Conservatoire National Supérieur de Paris, Marine Chagnon est une ancienne boursière des Amis de Royaumont.
Elle a déjà suivi trois ateliers de formation professionnelle à l’abbaye.
On l’y a vue dès 2014 à l’occasion de la master class de la soprano Mireille Delunsch et du pianiste Emmanuel Olivier.
Elle était de retour à Royaumont l’année suivante pour le très gai Voyage à Reims mis en scène par Stephan Groegler.
Enfin, nombre d’entre nous a pu l’applaudir fin octobre lors de la Fenêtre sur cour[s] « Airs et ensembles extraits des opéras de Rossini ».

Le vendredi 13 décembre, dans le cadre chaleureux de notre soirée, elle mêlera sa voix à celle du baryton Timothée Varon et aux notes de la pianiste Katia Weimann avant de dîner en notre compagnie.

Informations et réservation


Impressions du Festival de Royaumont 2019

À l’issue d’un festival éclectique, inventif et riche de découvertes, que retenons-nous ? Quelques concerts et spectacles mémorables, des émotions fortes, des coups de cœur. Voici les points de vue d’Amis de Royaumont…

En vol

Les 7 et 8 septembre 2019, le Festival s’envolait avec une programmation de musique contemporaine. Les compositeurs de l’académie Voix Nouvelles ouvraient le bal avec leurs œuvres toutes fraîches, peaufinées pendant 2 semaines avec leurs aînés et leurs interprètes, les chanteurs du chœur Les Métaboles et le Quatuor Mivos. Parmi celles-ci, citons l’œuvre fluide de Tomek Arnold pour quatuor à cordes qui, s’inspirant d’un chant polyphonique géorgien, invite à un cheminement qui prend son envol en évitant les chemins de traverse. Inspiré par le jazz, le solo de contrebasse de Simone Cardini décline le thème de la distance entre le temps écoulé pour aller d’un lieu à un autre et la distance à parcourir.


La compositrice Shiri Riseman remerciant le Quatuor Mivos

Les œuvres vocales font preuve d’une inventivité sans bornes. Les chanteurs des Métaboles jouent toute une gamme d’émotions avec finesse et subtilité. On se laisse emporter par les voix venues des 4 coins du réfectoire, générant une immersion totale dans un autre univers. Ambiance envoûtante avec Aya Yoshida, belle spatialisation avec Yi-Ting Lu, variété des émissions entre quatuor vocal et quatuor à cordes avec Michaela Catranis, chuchotements, bruitage, chant, pizz de contrebasse pour 16 voix et contrebasse avec Basile Chassaing.

En apothéose, The Great Mirror de Mauro Hertig pour double quatuor spatialisé dans tout le réfectoire des moines s’inspire de l’encyclopédie sur les connaissances du monde du XIIIème siècle de Vincent de Beauvais. Par sa performance humoristique, l’œuvre réussit à faire le tour des connaissances autour de Royaumont avec les bruits des jardins, les visites du réfectoire, l’orgue.

Sous la direction de Donatienne Michel-Dansac, les 8 jeunes chanteuses de l’ensemble Voix nouvelles ont travaillé des œuvres jouant sur la variété d’émission des voix : parlées, sifflées, haletantes, criées. Avec beaucoup d’humour, les récitations pour soliste de Georges Aperghis, qui jouent sur les mots, alternent avec les duos de Tom Johnson, qui font tourner les chiffres. Quant aux œuvres de Kagel, Dusapin et Nono, elles dégagent beaucoup d’émotion.

Le concert The angels de l’ensemble vocal Les Métaboles sous la direction de Léo Warynski faisait dialoguer des œuvres de Jonathan Harvey, compositeur anglais contemporain, avec des œuvres de Byrd, Palestrina et Purcell dont il s’est inspiré. L’alternance sans transition entre les pièces anciennes et modernes aiguise l’écoute : passant du confort des harmonies classiques aux sollicitations des harmonies contemporaines, l’oreille devient attentive aux subtilités de la musique, qui finit par devenir intemporelle. L’auditeur ne sait plus où il est dans une ambiance quasiment hypnotique. Un moment rare magnifié par l’acoustique du réfectoire des moines.


Les Métaboles dans le réfectoire des moines

Danse, poésie et réel les 14 et 15 septembre

Dans le spectacle Ga Ga Ga, nous avons été comblés par la virtuosité de 3 danseurs dans leurs soli pendant 45 minutes qui sont passées très vite. Anthony Roques, qui a participé à Prototype IV, Benjamin Forgues et Charlie-Anastasia Merlet ont explicité par leur danse le titre de la prestation ; selon le sens ou le contexte, le terme « Ga, Ga, Ga » peut évoquer le gâtisme ou la béatitude.


Anthony Roques dans le premier solo de Ga Ga ga

Lors de l’atelier participatif Protostar proposé spécifiquement aux Amis de Royaumont, la chorégraphe (Charlie-Anastasia Merlet) nous invite directement sur la piste de danse et nous montre quelques moments du solo. La dizaine de personnes que nous sommes la suit aussi fidèlement que possible dans les figures de « la poule » et de « la sorcière ». Entrée en matière efficace qui aiguise notre conscience des mouvements du corps et renforce notre attention lorsque le danseur Anthony Roques exécute superbement l’intégralité de la pièce.

Bach et Telemann le 21 septembre

Lors du concert Telemann l’ingénieux, dans l’acoustique boisée du réfectoire des convers, le duo de flûtes traversières baroques (traverso) d’Aysha Wills et David Westcombe suggérait le chant exubérant « d’oiseaux dans la ramure » et lançait un pont à travers le temps vers les chants d’oiseaux répertoriés par le compositeur et ornithologue Olivier Messiaen.

Le concert L’atelier d’Antoine Vater faisait revivre la vie d’un atelier de facture de clavecins à Paris dans la première moitié du XVIIIème siècle autour de son créateur, Antoine Vater, et des musiciens français et allemands, dont Georg-Philipp Telemann. Concert ponctué d’éclairages historiques passionnants par Emile Jobin, facteur du clavecin de Royaumont, copie d’un Vater, et le claveciniste et flûtiste Aurélien Delage, malheureusement peu audibles faute de sonorisation adaptée.


Aurélien Delage et Aline Zylberajch lors des répétitions

Journée Schumann le 28 septembre

Les quatre concerts de la journée Schumann ont mis en valeur différents choix d’interprétation de la musique du compositeur, soulignés par la variété des instruments (dont plusieurs pianos anciens). Dans le concert de 15h, les textes de Robert Schumann étaient très bien servis par la comédienne Sophie Lannay, accompagnés d’extraits du compositeur, donnant un éclairage original. Le concert de 16h30 présentait une réduction très réussie d’œuvres orchestrales (Weber, Mendelssohn) pour un septuor avec piano et flûte, réalisée et jouée par le pianiste Luca Montebugnoli, accompagné avec maestria par l’ensemble Hexaméron. La présence de la flûte permet à elle seule d’évoquer de façon très convaincante l’orchestration d’origine avec bois et cuivres au complet.

Ce concert ainsi que le suivant évoquaient les concerts d’amateurs jouant à domicile les œuvres pour orchestre entendues en concert. Autour de la pianiste Laura Fernandez Granero, une chanteuse et des instrumentistes à cordes interprètent des transcriptions d’opéra où certaines voix sont remplacées par des instruments, donnant une atmosphère intime. Par contre, la version du concerto avec piano avec accompagnement par un quatuor à cordes s’est avérée moins convaincante.

La Nuit Schumann a été un concert d’exception donné par de nombreux artistes dont le pianiste Edoardo Torbianelli et l’ensemble I Giardini. Après une entrée en matière fulgurante avec les Märchenbilder pour alto et piano, se succèdent des œuvres pour clarinette, violoncelle puis cor, accompagnés par un des deux pianos d’époque. Une deuxième partie de toute beauté propose l’andante et variations pour deux pianos, deux violoncelles et cor et le quatuor avec piano.


Edoardo Torbianelli  et Fernando Caida Greco

Le triomphe des voix le 29 septembre

Dans le concert Venez chère ombre, Eva Zaïcik semblait une réincarnation des voix de l’époque : toute de sûreté et de pureté, sa voix semble faite pour ce répertoire. Une diction parfaite, l’expression du visage, la gestuelle permettent de suivre les paroles sans lire le programme.


Eva Zaïcik avec Le Consort

Dans le splendide Platée de Rameau, le chef de l’ensemble Les Ambassadeurs, Alexis Kossenko, est un véritable sculpteur de sons, déployant une formidable énergie contagieuse auprès de ses musiciens et chanteurs. On retient la qualité des chanteurs et des chœurs, et particulièrement la voix ronde, pleine et puissante de la Folie, Chantal Santon Jeffery, et celle, profonde et expressive, de Thomas Dolié, incarnant Jupiter.

Poésie et musique au salon le 5 octobre 2019

Le concert Chanson perpétuelle donnait la part belle à l’excellent Quatuor Van Kuijk, d’abord dans le quatuor de Ravel, ciselé comme il convient, puis, par contraste, dans le quintette de César Franck, avec le pianiste Alphonse Cemin. Ensuite Eléonore Pancrazi, accompagnée par les mêmes instrumentistes, a admirablement servi Chausson et Lekeu.


Le Quatuor Van Kuijk

Pour leur dernier concert de la résidence, les lauréats de l’Académie Orsay-Royaumont ont mûri. Aussi bien les chanteurs que les pianistes font vivre la musique et le texte avec intelligence et incarnent pleinement les œuvres. Chant et piano se marient, alternent et produisent des émotions très fortes. Mention spéciale pour le Ravel (Les histoires naturelles) de Marielou Jacquard et Célia Oneto Bensaïd, le Caplet (Trois Fables de La Fontaine) de Marie-Laure Garnier et Kunal Lahiry, le Reynaldo Hahn de Jean-Christophe Lanièce et Romain Louveau et le Carl Loewe d’Alex Rosen et Michal Biel. Et pour fêter l’événement, les quatre duos ont invité les spectateurs à entonner avec eux des chansons de Piaf, Aznavour et autres.

Chœur d’enfants et orgue

Le concert du dimanche 6 octobre concrétisait un travail pédagogique d’un an avec des chœurs d’enfants. 180 choristes dirigés par 3 chefs de chœurs ont chanté Individua de Raphaël Cendo, composé spécialement pour eux. Le mariage original de l’orgue et des chœurs d’enfants a constitué une superbe réussite. Auparavant, collégiens et collégiennes ont magnifiquement interprété Immortal Bach de Knüt Nystedt, pourtant si difficile à chanter. Des interludes à l’orgue et des œuvres chantées par les chœurs du conservatoire de Cergy complétaient le programme.


Quelques-uns des jeunes choristes

Quand l’école a la volonté et les moyens de monter des projets avec des partenaires de qualité comme Royaumont et la Philharmonie, elle joue pleinement son rôle de faire découvrir, pratiquer et aimer l’art sous toutes ses formes. Ces jeunes garderont en eux l’écho sensible de cette expérience, si indispensable à la vie. Ce concert des jeunes résonnait en écho à celui des Métaboles de début septembre. Conçu comme une grande arche, le festival se terminait donc comme il avait commencé sous le signe de la transmission.

Et c’est Thomas Lacôte, artiste en résidence à Royaumont, qui a apporté la touche finale au festival avec les trois Chorals de César Franck entrecoupés d’improvisations, joués sur l’orgue Cavaillé-Coll du réfectoire des moines, avec puissance, subtilité et inventivité.