Carmen, opéra-paysage itinérant

Qu’est-ce qui n’a pas encore été dit à propos de Carmen, l’opéra français le plus joué au monde ? D’abord, peut-être, qu’il s’agit d’un opéra véritablement populaire, qui ne se déroule pas dans des intérieurs bourgeois mais uniquement dans des espaces publics : une manufacture de tabac, une taverne, une arène… Relever cette géographie atypique, l’incarner dans un spectacle itinérant qui amène le public à se déplacer entre chaque acte, c’est aussi souligner la dimension politique très actuelle de l’œuvre. Après tout, les expressions « harcèlement de rue » et « féminicide », qui ne faisaient pas du tout partie du vocabulaire de Mérimée ou de Bizet, pourraient entrer aujourd’hui dans un résumé de l’intrigue. L’objectif de la metteuse en scène Jeanne Desoubeaux est de rapprocher Carmen du spectateur, physiquement et temporellement, sans trop se prendre au sérieux. Son adaptation est joyeuse, voire, comme le dit Télérama, « tout à fait drôle ». Une trompette et un ukulélé se glissent aux côtés des plus classiques piano, violoncelle et clarinette. Les arrangements de Jérémie Arcache et Igor Bouin lorgnent d’ailleurs volontiers vers la comédie musicale, la fanfare ou le cabaret. La troupe, qui compte plusieurs lauréats de la Fondation Royaumont, comme le ténor Kaëlig Boché ou le baryton Jean-Christophe Lanièce, virevolte collectivement dans un bel unisson. Le spectateur la suit avec plaisir de décor en décor, traversant le parc de l’abbaye tout au long de cet « opéra-paysage » (une formule inspirée du travail de l’auteur et metteur en scène Alexandre Koutchevsky, qui invoque régulièrement « la puissance poétique et théâtrale singulière des représentations à ciel ouvert »).
C’est son actualité : 150 ans après sa création, Carmen s’est transformé en un paysage qu’on ne se lasse pas d’admirer.

Tarif : B (voir tous les tarifs) | Durée : 2h | Âge : à partir de 10 ans