Projet : (Clair) Obscur

Résidence Incubateur en octobre 2023

Chorégraphe et direction artistique : Caroline Grosjean 
Cornets et direction musicale : François Cardey
Artistes chorégraphiques & musicaux : Maureen Nass, Gaïa Mérigot, Joan Vercoutère, Lucile Tessier et Adrien Reboisson, Doulcianes (alto, ténor et basse), Rémi Lécorché (Sacqueboute)

Présentation :

Une écriture chorégraphique au présent

Dans ce choix de parler de la mort et d’aborder ses représentations, il y a avant tout la question du corps. Le corps fragile, le corps qui s’abandonne, le corps caché, le corps transformé, le corps préparé, le corps physique, le corps comme enveloppe … Toutes ces facettes nourrissent alors un imaginaire de corps dansants, de corps sensoriels, de corps manipulés, de corps habités, de corps incarnés, de corps lourds, de corps sans poids sans gravité, de corps transparents… Par opposition, il y a aussi les corps vivants, ceux qui témoignent, ceux qui accompagnent, ceux qui célèbrent, ceux qui restent dans le monde du visible, ceux dont les gestes sont empreints d’intention, ceux dont les mots résonnent au présent, ceux dont les pleurs expriment le chagrin, ceux qui portent le deuil, ceux qui continuent de vibrer. Il s’agit alors de penser le groupe au plateau comme un seul et même corps, contenu dans l’espace et s’incarnant de multiples manières, jouant à la manière des peintures et des fresques de l’époque, d’aplats en volumes, mais le plus souvent en contact. Cette idée d’un corps multiple et sans limites : le bras d’un danseur poursuivant la courbe de l’épaule d’un autre danseur lui-même connecté au dos d’un troisième. Ce groupe devient alors une unique masse à sculpter, à contraindre et déployer dans l’espace et les profondeurs de champ. Cette non-finitude du corps opposé à l’idée d’une enveloppe charnelle désertée d’une conscience. L’unisson dans mon travail chorégraphique relève plus de la porosité, de l’écoute, de l’appropriation d’une matière de corps que d’une similitude du mouvement, et j’aime particulièrement cet endroit de recherche où la ressemblance, l’appartenance se fait jour tout en découvrant la particularité de chacun dans son interprétation. Mis en mouvement aussi bien les yeux ouverts que les yeux fermés, les interprètes sont guidés dans leur propre voyage intérieur, impactés par un état de plateau comme un état du monde.

Une relecture du répertoire musical

Miroir sonore des corps dansés, la musique choisie pour le projet sera composée de 3 corpus. Quatre instrumentistes à vent typiques de la Renaissance répondront aux mouvements des quatre danseur.se.s. Cornets à bouquin, doulcianes et sacqueboutes projetteront leurs sonorités fortes et saturées. Historiquement associés aux temps solennels, et particulièrement les funérailles importantes, ils remplaceront ici des chanteurs, insufflant une autre musicalité à ce répertoire renaissant. Des extraits des Lamentations de Jérémie, destinées aux offices de la Semaine Sainte, soutiendront le concret de ces rites mortuaires d’un nouveau temps. Des litanies à la Vierge, pièces vocales particulièrement en vogue après les épidémies de peste de la fin du XVIème siècle et du début du XVIIème siècle, tissent des liens thématiques étroits avec ces corps accompagnés vers d’autres mondes. La répétition excessive de certains vers, comme prévu lors de leur composition, apportera un élément transcendantal, au-delà des époques et des styles, nous rapprochant de cultures où le mystique imprègne la vie quotidienne autant que les grands événements. En contrepied à ces musiques répétitives et cérémonielles autour de la mort, humaine ou divine, Les prophéties des Sibylles d’Orlando di Lasso annoncent le temps d’un sauveur. D’une harmonie particulièrement audacieuse et précise, le flot des textes joués par les instruments seront scandés, clamés, martelés par ces corps dansants et transformés.

La relation musique et danse

L’écriture au plateau s’imagine comme un entremêlement des mouvements, des mots, des sons. Le rite funéraire dans ce qu’il a d’universel met ainsi en lumière l’interaction de l’individu et du collectif. Le « faire commun » anime l’intention du projet. Travailler les matières de manière horizontale afin que chaque interprète – danseur ou musicien – ne soit pas assigné à un rôle spécifique mais puisse œuvrer à une intention ou une action collective et que chaque individualité émerge de ce traitement égal. Les litanies répondent aux répétitions du geste et favorisent l’impression d’hypnose, de transe pour celui qui agit comme pour celui qui regarde. Le Plain-chant, ici incarné par les instruments met en résonance la dualité soliste et chœur, individu et groupe. Les voix viennent aussi soutenir l’action, tantôt par l’introduction de textes (historiques ou narratifs) tantôt par les ressentis des interprètes et leur capacité à transmettre ce qu’ils ressentent, ce qui les traversent, ce qu’ils voient en imagination…

Production et diffusion : Compagnie pièces détachées et l’ensemble Agamemnon
Coproductions et soutiens : Fondation Royaumont