Projet : INFRA

Résidence Incubateur en février 2023

Vincent Dupuy chorégraphe 
Morgane Bonis, Alice Lada, Pierre Lison, Maureen Nass interprètes
Thomas Poli compositeur
Selma Bourdon créatrice lumière/scénographe
Rachel Garcia conception des costumes

Présentation 

« Infra est une création chorégraphique autour des mouvements souterrains, invisibles, mais omniprésents du monde. Après des études en Sciences, en Danse et en Théâtre, Vincent trace des ponts entre ces 3 disciplines et développe un langage chorégraphique spécifique. La gestuelle se déploie à partir de mouvements infimes et du jaillissement de la pensée comme une résistance à la gravité. Aucun contact physique, aucun mot. Un jeu magnétique entre les interprètes s’installe, bouscule et déstabilise nos accroches visuelles. Fasciné par ce passage imperceptible et vertigineux de la matière inerte au vivant, Infra est une réflexion sur ce qui sous-tend nos corps  et sa relation étroite, totale, avec son environnement.  Sur quoi repose le monde des apparences ? Qu’est-ce qui nous meut ? Nous émeut ?
Dans une poétique de la retenue, Infra s’inscrit dans une esthétique à la fois épurée et chaotique. L’engrenage arythmique des corps, de la lumière et du son fracture l’espace et brouille notre perception du temps. »

Etats Latents

Pour comprendre ce qui nous meut et nous émeut, je me suis d’abord engouffré dans l’expérience sensible, pour retrouver petit à petit des chemins, des ramifications me permettant de voyager à la lisière de ce que l’on pourrait appeler « états latents » : Caché, inconscient, masqué, sourd, comateux, indirect, menaçant, sournois, dormant, inexprimé, obscure, sous-jacent, endémique, informulé, occulte, endormi, larvé, profond… Ce qui est latent existe de manière diffuse, sans être apparent, mais peut à tout moment se manifester. En psychologie notamment c’est ce qui se manifeste par aucun comportement. La surprise et le mystère du latent excite nos sens par l’imprévisibilité permanente d’une gestuelle qui jaillit.

Une danse atomique

Le mouvement est permanent, autour de nous, en nous. Fasciné par les sciences que j’ai étudiées à l’UPMC en cursus Biologie Chimie Géosciences, les yeux plongés dans un microscope, tous ces mouvements omniprésents et invisibles, infiniment petits ou infiniment grands, sont devenus tangibles et se sont greffés à mon imaginaire sensoriel. L’atome, avec son noyau et ses électrons, est devenu l’unité de base de ma démarche artistique. Elle amène au plateau des corps électriques, magnétiques, dans un ancrage et une fulgurance hypnotisante. Sortir du niveau cellulaire et de sa membrane plasmique, permet une plus grande porosité avec l’espace et stimule beaucoup plus le système nerveux et les émotions. Dans un sentiment à la fois extatique et angoissant, c’est également l’échelle où la vie et la mort n’existent pas, où la matière vivante et non vivante se confondent, fusionnent, s’agencent, se désorientent grâce aux champs de force électromagnétiques et gravitationnels. Se laisser entrainer par le spin de l’électron par exemple, qui est le comportement magnétique d’une particule, produit chez les interprètes une surcharge d’informations sensibles et provoque une non prise de décision dans l’espace. Ce qui amène au plateau des personnages indécis, égarés, d’une très grande présence et d’une très grande vulnérabilité. Accéder à cette perception infime du corps a été le moyen d’assembler le corps sensitif et chorégraphique, au corps émotionnel et théâtral.

Au plateau

Dans une attitude passive et nonchalante, quatre interprètes la fois ancrés et vaporeux viennent se fondre dans le décor. Décor épuré puisque le plateau est nu, vide mais rempli d’atomes. L’univers sonore composé par Thomas Poli excite l’espace vibratoire dans une esthétique cosmique et enveloppante. L’infiniment grand et l’infiniment petit s’entremêlent. Les corps et l’espace viennent s’entrechoquer. Un personnage solitaire et un trio s’affrontent. Aucun contact physique, aucun mot. Un jeu magnétique entre les interprètes s’installe, bouscule et entraine une accélération des déplacements dans l’espace. Leurs mouvements précèdent leurs intentions et se retrouvent rapidement piégés dans une boucle gestuelle hypnotique accompagnée par des nappes sonores répétitives. Le temps se dilate ou bien se contracte. L’apparition de gestes arythmiques fracture l’espace et brouille notre perception du temps. Les corps sont pétris et traversés par cette matière environnante. Les pieds glissent, se propulsent et s’ancrent dans le sol. Les hanches flottent, déjouant la gravité. Les bras et les bustes cherchent à s’orienter et à se stabiliser sans jamais y parvenir. Les mains palpent l’air avec délicatesse et maniérisme. Les têtes sont comme dissociées du reste du corps. Elles se torsionnent, ballotent et réagissent maladroitement aux impulsions et changements de directions. Les visages se transforment de façon imprévisible. L’euphorie de se laisser surprendre et la peur de ne pas voir advenir, joue sur l’état émotionnel des personnages les rendant intensément vivant.

Mouvement spatial compulsif

La circulation des corps dans l’espace est composée à partir de la notion de magnétoception, qui est la capacité de s’orienter grâce au champ magnétique terrestre. Véritable molécule-aimant, le magnétorécepteur comporte un atome de fer et un atome de souffre dont l’agencement lui confèrent une propriété semblable à celle d’une minuscule boussole présente dans divers organismes, dont chez l’Homme. Telle une nuée d’étourneaux, les changements de directions des interprètes sont soudains et se répercutent dans l’espace déstabilisant nos accroches visuelles. Dramaturgie Être à l’écoute de tout ce qui nous meut/émeut en tentant de ne rien initier, crée un espace de lutte entre la frustration de ne pas pouvoir agir et l’extase d’être involontairement mis en mouvement/ému.

Cette dualité, je l’ai retrouvée très forte dans des textes de Marguerite Duras « L’Homme Assis au bout du couloir », « L’Homme Atlantique », « Agatha », qui décrit des qualités de corps, de présences, extrêmement semblables à celles que je pouvais ressentir et observer dans ces « états latents ». C’est la structuration de ces écrits qui amènent à la perdition temporelle et spatiale, mettant en valeur les moments de silence, de flottements, de fixations… Ces moments particuliers j’aimerais pouvoir les retranscrire dans les corps des interprètes et dans l’écriture de leurs mouvements dans l’espace. L’espace lui-même crée l’état conflictuel d’une situation et trouble les véritables intentions des personnages. Les interprétations sont nombreuses et enrichissent la complexité et l’authenticité d’une situation. Dans ce projet, l’écriture dramatique des corps se construit autour de l’intentionnalité ou non des actes des personnages, parfois ambigus voir déroutants. L’innocente violence est souvent difficile à appréhender.


Production : Atlas
Coproduction : Théâtre de Vanves / Théâtre de Mennecy/
Apport en production et résidence: Fondation Royaumont- dans le cadre du dispositif L’incubateur/
Projet soutenu par : La Région Ile-de-France dans le cadre du dispositif FoRTE- Fonds Régional pour les Talents Émergents/
Le Fonds SACD Musique de Scène/ Le Ministère de la Culture- DRAC île-de-France, aide au projet 2023/ L’Association Beaumarchais-SACD, aide à l’écriture danse 2023 /Accueil Résidence : Théâtre de l’Agora Scène Nationale de l’Essonne/ Centre National de la Danse de Pantin/ Micadanses- accompagnement spécifique à Paris/ Réservoir Danse à Rennes/ La Factory- Théâtre de L’Oulle à Avignon/ La Compagnie DCA à Saint-Denis/ La Compagnie 29.27 à Nantes/ Conservatoire de Dreux/ Conservatoire de Vanves/