Royaumont contribue au nouveau rayonnement de la musique médiévale
Au sommaire : les musiques médiévales à Royaumont – séminaire autour des Motets de Philippe de Vitry – avec les collégiens – formation d’élèves des conservatoires – les Scoralies – avec le soutien de la Fondation Etrillard – nouvelles formations en 2020
Vers un nouveau rayonnement
Pendant une vingtaine d’années, de 1980 à l’an 2000 environ, l’abbaye de Royaumont a été au cœur du renouveau des musiques médiévales. Ensemble, interprètes et chercheurs (musicologues, mais aussi historiens, historiens de l’art, anthropologues…) y ont forgé une nouvelle approche de ces répertoires. Faut-il rappeler ici le rôle pionnier joué par Marcel Pérès, en résidence à Royaumont avec son ensemble Organum de 1984 à 2000, rejoint notamment dans ses réflexions par Michel Huglo, Christian Meyer, Sigrid Lee, Guy Lobrichon et Nancy Philipps ? Recherches, publications fondatrices et concerts se multipliaient, embrassant une période allant des débuts de la chrétienté (Byzance, Rome, Carolingien) au roman puis au gothique. Parallèlement, un projet « instrumentarium » débutait avec la construction d’un orgue roman en 1993, d’après le traité de Théophilus, puis d’une vielle, d’un organistrum et un rebec d’après les décorations de St Jacques de Compostelle.
Après ce temps de (re)découvertes majeures, la musique médiévale n’a pas déserté Royaumont. Des ensembles de grande qualité (Diabolus in Musica, dirigé par Antoine Guerber, De Caelis, dirigé par Laurence Brisset, Musica Nova, dirigé par Lucien Kandel, Micrologus, dirigé par Patrizia Bovi, Dialogos, dirigé par Katarina Livljanic, Sequentia, dirigé par Benjamin Bagby, Graindelavoix, dirigé par Björn Schmelzer) ont continué d’être accueillis en résidence, invités pour des sessions de formation et programmés dans le cadre du Festival.
Graindelavoix, lors du Festival de Royaumont 2017 (photo : F. Mauger)
Mais il convient de reconnaître que la dynamique des années pionnières s’est quelque peu émoussée. Après avoir bénéficié d’un engouement du public, soutenu notamment par des productions littéraires et cinématographique – que l’on songe seulement au succès du roman le Nom de la Rose d’Umberto Ecco (1980), adapté au cinéma par Jean-Jacques Annaud (1986) – la musique médiévale traverse depuis plusieurs années une crise qui affecte à la fois le rayonnement de la recherche, la formation et la diffusion des ensembles spécialisés. En France, les programmateurs de saisons de concerts ou de festivals se montrent de plus en plus frileux à engager des ensembles médiévaux. Ceux-ci se tournent d’ailleurs – de bon ou de mauvais gré – vers des répertoires plus tardifs (ceux de l’Ars subtilior ou de la Renaissance), jugés plus séduisants pour l’auditoire. La question de la formation des musiciens est également préoccupante.
Séminaire autour des Motets de Philippe de Vitry
Dans l’espoir de redonner collectivement un nouveau rayonnement à ces répertoires, la Fondation Royaumont a cherché à fédérer des acteurs qui continuent d’œuvrer au sein d’universités, de fondations privées ou d’académies saisonnières pour que, dans ce domaine particulier, un enseignement puisse être dispensé ou des travaux de recherche de qualité menés. Les 7 et 8 décembre 2018, une vingtaine de personnalités se sont réunies à l’abbaye pour en parler (liste complète en bas de page).
En mars 2019, l’abbaye a également accueilli le chercheur et musicien David Chappuis, professeur à la Haute Ecole de Musique de Genève et au CNSMDL de Lyon, entouré d’une équipe de dix chercheurs (musicologues, linguistes, philosophes et historiens des sciences, chanteurs…) le temps d’un séminaire consacré à un vaste projet scientifique et artistique autour des Motets de Philippe de Vitry, soutenu par l’Institut de recherche en musique et arts de la scène et la Haute école spécialisée de Suisse occidentale. L’objet de cette recherche est de proposer une édition critique et innovante des Motets de cet évêque de Meaux, compositeur et théoricien de la musique, surtout connu pour son traité, l’Ars nova, publié vers 1320. En interrogeant les techniques de lecture musicale du XIVe siècle, David Chappuis renouvelle la compréhension et l’application de la musica ficta. Ce séminaire devrait être prolongé par des ateliers d’interprétation, d’ornementation et de composition, dans le but d’intérioriser les conditions techniques qui prévalaient au temps de l’Ars nova et de nourrir la réflexion menée dans le cadre du travail scientifique.
L’équipe de chercheurs autour de David Chappuis
Avec les collégiens
Parallèlement, deux classes du collège Léonard de Vinci de Bouffémont ont pu suivre la chanteuse Esther Labourdette, une chanteuse lauréate de la Fondation, sur les traces du grand voyageur Marco Polo et de son Livre des Merveilles (1298). Installés pendant une journée de mars dans l’une des salles de l’abbaye, le « grand comble », les élèves ont pu s’initier aux traditions vocales médiévales, qu’elles viennent d’Occident ou d’Orient.
Esther Labourdette et les collégiens
Formation d’élèves des conservatoires
La Fondation Royaumont a également mis en place un nouveau programme de formation dédié à l’enseignement du répertoire médiéval. Lors de 6 journées, espacées entre janvier et juin 2019, 10 élèves des Conservatoires à Rayonnement Régional d’Ile-de-France s’initient au répertoire profane et solistique, français et italien des XIIIe et XIVe siècles.
L’encadrement de cette nouvelle formation est assuré par Marc Mauillon, grand spécialiste de ce répertoire et dont les récents enregistrements de Guillaume de Machaut ont été salués par la presse. Ce baryton s’est forgé une place à part sur la scène lyrique actuelle par l’étendue et la singularité de son répertoire, son timbre si reconnaissable et sa diction ciselée. Il est régulièrement appelé par des chefs d’orchestre William Christie, Marc Minkowski, Raphaël Pichon, Christophe Rousset… Son duo avec Vivabiancaluna Biffi était programmé au Festival de Royaumont 2018. Après avoir été professeur au Pôle d’enseignement supérieur de la musique en Seine-Saint-Denis, il enseigne la musique médiévale profane à l’Université Paris-Sorbonne dans le cadre du Master d’interprétation des musiques anciennes (MIMA).
La formation qu’il donne à ces stagiaires qui n’étaient pas, au commencement, des spécialistes de la musique médiévale s’est achevée par une tournée de concerts dans les conservatoires partenaires, ainsi qu’au Musée de Cluny. De nouvelles vocations en sont probablement nées…
Les Scoralies
Le 13 juin 2019 s’est déroulée la 30e édition des Scoralies à l’Abbaye de Royaumont.
Cet évènement a réuni 200 élèves choristes, venant de 5 écoles élémentaires de l’Oise, et 4 musiciens intervenants pour interpréter plusieurs chants sur le thème « La Musique médiévale, entre Orient et Occident ».
Avec le soutien de la Fondation Etrillard
Le Conseil d’Administration de la Fondation Etrillard a décidé – au cours de sa séance du mardi 17 septembre 2019 – d’apporter son soutien au projet » Chanter l’Ars Nova « .
Ce projet a pour raison d’être de fédérer plusieurs partenaires européens afin de redonner un nouveau rayonnement aux musiques médiévales à travers des projets associant valorisation de la recherche, formation à l’interprétation de nouvelles générations d’artistes, soutien à la diffusion et à la médiation auprès d’un public élargi.
Nouvelles formations en 2020
La Fondation renouvelle son partenariat avec les Conservatoires à Rayonnement Régional d’Ile-de-France. Lors de 6 journées entre janvier et juin 2020, 10 stagiaires non spécialistes de la musique médiévale, seront initiés au répertoire profane et solistique, français et italien des XIIIe et XIVe siècles.
L’encadrement de cette formation sera à nouveau assuré par le baryton Marc Mauillon, grand spécialiste de ce répertoire. En parallèle à la formation musicale, un travail littéraire d’analyse des poèmes médiévaux sera proposé par Thibaut Mihelich. Plusieurs visites en Ile-de-France de lieux architecturaux emblématiques du Moyen Âge sont également programmés pour une mise en perspective des arts de cette période. À l’issue de la formation, une tournée de concerts est prévue dans les conservatoires partenaires ainsi qu’au Musée de Cluny.
En complément, la Fondation crée un nouveau cycle de formation intitulé « Musiques médiévales : chanter l’Ars nova ».
Dans un premier temps, une dizaine de jeunes musiciens abordera, sous la conduite de David Chappuis et Olivier Bettens des œuvres emblématiques françaises du début du XIVe siècle.
Un second volet de formation sera plus particulièrement centré sur le Trecento italien. Sous la conduite de la chanteuse et musicologue Patrizia Bovi, les jeunes artistes aborderont un éventail de pièces caractéristiques de Francesco Landini (c.1325-1397) et de Jacopo da Bologna (fl. 1340-1386 ?), deux maître de l’Ars nova italien.
A l’issue de cette formation, certains lauréats seront invités à participer à des concerts et à l’enregistrement des motets de Philippe de Vitry.
Photos de la formation de Marc Mauillon : J.P. Bella
Etaient présents (outre l’équipe de la Fondation), par ordre alphabétique : Frédéric Billiet, de l’Université de la Sorbonne, Patrizia Bovi, du Centro Studi Europeo di Musica Medievale “Adolfo Broegg”, Camilla Cavicchi, du Centre d’études supérieures de la Renaissance ( CNRS / Université de Tours ), Christelle Cazaux-Kowalsky, de la Hochscule für Musik / Schola cantorum Basiliensis, Christelle Chaillou-Amadieu, du Centre d’études supérieures de civilisation médiévale (Université de Poitiers / CNRS), David Chappuis, de la Haute école de Musique de Genève, Gisèle Clément, du Centre International de Musiques Médiévales, également enseignante-chercheuse en musicologie médiévale à l’Université Paul Valéry (Montpellier), Anna Danilevskaia, directrice artistique de l’ensemble Sollazzo, Anne Delafosse, du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon, Bart Demuyt, du festival van Vlaanderen Antwerpen, Kelly Landerkin, des Medieval Studies Programs de la Schola Cantorum Basiliensis, Brigitte Lesne, directrice musicale des ensembles Discantus et Alla Francesca, représentante du Centre de musique médiévale de Paris, Katarina Livljanic, de l’université de Sorbonne-Paris IV, Claire Maître, de l’Institut de recherche et d’histoire des textes (CNRS), Marcel Pérès, directeur de l’ensemble Organum-CIRMA, et Chrysansthos Antoniou, chargé de sa diffusion, Christina Raurich, du Medieval Music Besalú (International Course on Medieval Music Performance of Besalú) et de l’International Course on Late Medieval & Renaissance Music (San Marino International Music Courses), Björn Schmelzer, directeur artistique de Graindelavoix, Dominique et Marie-Anne Vellard, de l’ensemble Gilles Binchois, et Susana Zapke, de la Musik und Kunst Universität der Stadt de Vienne.