Au fil de l’eau
Contrairement aux idées reçues, l’hygiène faisait partie des préoccupations quotidiennes du Moyen Âge, en particulier chez les moines.
En témoigne cette étonnante aile du monument traversée de part en part par un canal : le courant emportait les déchets des latrines situées à l’étage.
L’anecdote amuse le public lors des visites guidées mais n’ôte rien au charme singulier de ce bâtiment à cheval sur les eaux.
Il accueille au rez-de-chaussée le bar-salon de thé, un salon destiné aux artistes en résidence ou aux collaborateurs d’entreprises en séminaire, la galerie Nord, vaste salle de réception où est dressée le week-end la table de Royaumont, et, au premier étage, la salle des charpentes, où sont donnés de nombreux spectacles.
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Traversé par un canal sur toute sa longueur, ce bâtiment est un des éléments les plus originaux de l’abbaye aujourd’hui. Il est l’un des derniers bâtiments cisterciens de ce type conservé en Europe et témoigne de la science hydraulique, comme du souci de l’hygiène, qui existaient au Moyen Âge chez les cisterciens.
L’édifice est construit sur le seul canal médiéval de l’enclos abbatial, dont l’eau provient de deux rivières, la Thève et l’Ysieux, canalisées sur plusieurs kilomètres pour nettoyer les latrines puis recueillir les eaux usées des cuisines situées en aval. Comme son nom l’indique, il abritait autrefois les latrines des moines, situées au premier étage et de plain-pied avec le dortoir.
Au rez-de-chaussée, de part et d’autre du canal, se trouvent deux salles voûtées, parfaitement conservées mais dont l’usage initial nous est inconnu. La diminution du nombre des moines, au fil des siècles, et la mise en commende de l’abbaye ont probablement conduit à des réorganisations internes et, en 1725, un devis de travaux nous indique que le bâtiment, qui nécessitait d’importantes restaurations, cumulait alors les fonctions de latrines et d’infirmerie. C’est peut-être lors de ce chantier que les fenêtres furent agrandies, et une orangerie aménagée dans la partie Sud du bâtiment. À la fin du XVIIIe siècle, cependant, il apparaît sur un plan sous le nom de salle du chapitre…
Entre 1793 et 1859, lors de la période industrielle de Royaumont, cet espace fut affecté au lavage du coton et converti en blanchisserie puis, dans un second temps, en teinturerie et distillerie des eaux fortes. En 1864, les nouveaux occupants le débarrassèrent de ses installations industrielles. Le rez-de-chaussée servit alors d’atelier de menuiserie et de serrurerie, tandis qu’au premier étage se trouvaient un séchoir et une lampisterie. En sous-sol, une petite cave était utilisée pour la conservation des légumes verts.
Le bâtiment ne fut vraiment réhabilité qu’en 1963 puis, en 1992 et 1993, il bénéficia d’une restauration complète (maçonnerie, tirants et contreforts, charpentes et couvertures). Aujourd’hui, au rez-de-chaussée, la galerie Sud accueille un salon pour les résidents et un bar-salon de thé pour les visiteurs, tandis que la galerie Nord sert de salle de réception. À l’étage, dans les salles dites « des Charpentes » et « de la Poivrière », des espaces ont été soigneusement aménagés pour permettre les concerts ou répétitions des artistes, comme des séminaires d’entreprise.
La roue encore visible au milieu du canal est une réplique de celle installée en 1876 par les sœurs de la Sainte-Famille de Bordeaux, qui pompait l’eau d’un puits voisin et la distribuait en différents points de l’abbaye.