L’au revoir de Francis Maréchal

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Directeur général de la Fondation Royaumont depuis 47 ans, Francis Maréchal quitte ses fonctions le 31 décembre 2024.

Depuis son bureau, il délivre ici un dernier message à tous ceux qui ont soutenu ou collaboré avec la Fondation ces 5 dernières décennies…

Le texte de son message vidéo :

« Je vais quitter la direction générale de la Fondation Royaumont le 31 décembre 2024.

Je transmettrai alors mes responsabilités à François Naulot, mon fidèle collaborateur depuis 7 ans, d’abord directeur artistique du Pôle Voix et répertoire puis secrétaire général.

À la veille de mon départ, je souhaite vous adresser mes salutations, à vous toutes et tous qui avez porté un intérêt à la Fondation Royaumont, qui avez participé à ses activités, que vous vous soyez rendus à l’abbaye en visiteur du monument historique, en spectateur de nos manifestations publiques, que vous soyez venus pour des projets éducatifs, dans le cadre d’un séminaire d’entreprise ou d’un colloque scientifique, que vous ayez participé comme artiste à nos programmes résidentiels, de formation et de création.

Je mesure la chance que j’ai eue de me voir confier, quelques mois après la disparition de son fondateur, Henry Goüin, le 24 février 1977, la responsabilité de concevoir un nouveau projet pour cette jeune Fondation qui venait de fêter son 13e anniversaire. La confiance dont j’ai bénéficié dès mes débuts le 1er septembre 1977, la liberté d’action dont j’ai joui, la nécessité d’inventer un nouveau modèle de financement inspiré par les intuitions de son fondateur, ont été pour moi des stimulants extrêmement puissants.

J’aurai finalement dédié 47 ans de ma vie professionnelle à cette Fondation, cette institution unique, que j’ai pensée comme une entreprise, une entreprise culturelle, qui assume pleinement ses responsabilités et ses choix, mais une entreprise guidée par le sens de l’intérêt public et artistique, par le sens du service public que j’avais découvert dans mes premières missions auprès du Département du Val d’Oise et du Ministère de la Culture.

Ma première fierté, c’est que Royaumont, imprégné d’une tradition humaniste où les sciences sociales ont joué et entendent jouer un rôle singulier, n’a pas cessé, contre vents et marées, d’être un lieu d’invention, en phase avec son temps, peut-être même quelquefois en avance sur son temps.

Ce fut le cas dès sa fondation : Royaumont constitua le premier exemple d’un monument historique, ayant perdu sa fonction originelle, réemployé pour une activité culturelle permanente. Royaumont a ainsi été le prototype des Centres culturels de rencontre qui ont essaimé depuis 1973 partout en France et en Europe.

Royaumont a été un pionnier de la redécouverte de l’interprétation de la musique baroque, de la réhabilitation des musiques du Moyen-âge, du dialogue entre des répertoires traditionnels et la création. La Fondation est aujourd’hui à la pointe de la réflexion sur l’écriture chorégraphique, promeut les nouvelles avant-gardes de la création en musique et en danse, incube de multiples projets associant différentes disciplines, transmet aux jeunes générations d’artistes de la musique et de la danse le savoir-faire de praticiens expérimentés associé à la réflexion de chercheurs.

L’exigence artistique de Royaumont, qui n’a jamais cédé aux sirènes de la démagogie ni aux effets d’aubaine qu’offrent des financements providentiels, cette exigence artistique, à l’opposé d’une posture élitiste, a fait rayonner nationalement et internationalement le monument historique qui en est le cadre et l’outil.

A travers toutes les déclinaisons de formes qu’a produites cette exigence d’excellence, combinées à une tradition d’hospitalité revalorisée par d’ambitieuses campagnes de rénovation de l’abbaye et d’extension de ses équipements d’accueil, nous avons multiplié les portes d’entrée dans Royaumont : c’est une joie immense de voir en permanence se croiser et souvent se mêler une diversité extraordinaire de publics : les milliers d’enfants et d’adolescents des écoles et centres de loisirs de notre région venant participer à des ateliers éducatifs, les artistes en résidence, les cadres d’entreprise en séminaire, les scientifiques réunis le temps d’un colloque, les visiteurs du monument, les spectateurs de nos manifestations publiques, tous aussi divers que l’est notre programmation, délibérément éclectique, etc…

Tous ces moments de bonheur inoubliables que m’a fait connaitre Royaumont, que n’ont pas assombris les difficultés rencontrées dans l’exercice de mes fonctions, les échecs vécus, les longs moments de doute, je les dois à un lieu et à une famille.

L’abbaye de Royaumont, son environnement, continue d’être le lieu de tous les rêves, inépuisable, une sorte de paradis.

La famille, c’est bien sûr la famille des créateurs de la Fondation : depuis Isabel Goüin, auprès de qui j’ai pris conseil et inspiration pendant les 11 dernières années de sa vie, jusqu’à ses petits-enfants, Anne-François, Mathilde et Clément sans oublier la présence « matriarcale » de Marie-Christine Daudy, dans le souvenir de Françoise, sa sœur bien aimée, la bienveillance, mais aussi la vigilance, que m’a témoignées la famille Goüin, n’ont cessé de me fortifier.

Je leur en suis reconnaissant à jamais.

En définitive, ces ambitions singulières se sont transformées en réussite collective : le Département du Val d’Oise nous a le premier tendu la main et a encouragé nos projets, vite rejoint par le Ministère de la Culture qui nous a permis de donner une nouvelle dimension à notre action ; la Région Ile-de-France s’est engagée à son tour, d’abord comme investisseur. Communes, communauté de communes, Union européenne, accompagnent également nos projets. 

Les mécènes amplifient désormais de manière déterminante le financement de nos activités : fondations familiales, entreprises, membres du Comité Henry Gouin, philanthropes individuels au sein du Cercle Saint-Louis, membres de l’association des Amis de Royaumont.

Au final, nous bénéficions d’une communauté de soutiens exceptionnelle, dans sa diversité et dans sa fidélité : je les remercie du fond du cœur.

Avec notre monument historique qui n’a jamais été aussi beau, avec une équipe de 65 collaborateurs qui va bientôt se mobiliser autour de François Naulot, mon successeur, avec cette large communauté de bienfaiteurs, publics et privés, je quitte la direction générale de la Fondation Royaumont, certes le cœur serré, mais avec une confiance totale dans son avenir.

On ne quitte pas définitivement, du jour au lendemain, le lieu d’un aussi long séjour (j’y aurai passé plus des deux tiers de mon existence). Il est certain que je conserverai des liens avec ma seconde maison et ma seconde famille….

Je vous dis donc : au revoir. »

Francis Maréchal

Photo de têtière : Francis Maréchal par Olivier Ouadah