Lettre des Amis de Royaumont n°5 – Septembre 2017

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Au sommaire : Les Boursiers nous remercientEntretien avec Louis-Noël Bestion de CamboulasAtelier d’écoute de la musique d’aujourd’hui – Nos prochains rendez-vous


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Les boursiers nous remercient

Suite à l’attribution des bourses des Amis de Royaumont, plusieurs jeunes artistes nous ont envoyé des lettres de remerciement, avant ou après leur participation à la formation. En voici quelques extraits dans le texte ou traduits de l’anglais :

« Vous m’avez donné une incroyable opportunité en m’attribuant cette bourse pour l’édition 2017 de Voix Nouvelles à la fondation Royaumont. Je vous suis profondément reconnaissant pour cette aide sans laquelle je n’aurais pas pu participer à ce programme. À ce moment de ma vie, avoir la chance de travailler une nouvelle pièce avec des musiciens, compositeurs et artistes du plus haut niveau est une expérience inestimable pour la suite de mon activité de compositeur. Ces trois semaines en France auront un énorme impact sur ma vie musicale. »
Jonah Haven

« Je vous remercie pour la bourse extrêmement généreuse que vous m’avez accordée pour l’Académie Voix Nouvelles 2017. Je suis enchanté d’avoir obtenu une place à cette formation renommée et je suis impatient de rencontrer mes collègues et professeurs musiciens à Royaumont. L’abbaye semble être un environnement si beau et si inspirant pour étudier. J’ai hâte de m’impliquer dans un nouveau travail créatif et de mieux me familiariser avec quelques œuvres majeures du répertoire contemporain. J’espère que je pourrai aussi rencontrer des membres de votre association cet été et jouer pour eux ; sans son soutien, je crois que je n’aurais pas pu accepter cette occasion unique. Je vous remercie du fond du cœur. »
Mimi Doulton

« Je vous écris cette lettre afin de vous remercier de m’avoir donné une bourse pour la formation « Mélodies françaises » dirigée par Véronique Gens et Susan Manhoff. J’ai passé quatre journées merveilleuses et très inspirantes pour mon travail pianistique et poétique sur ce répertoire. »
Célia Oneto Bensaid

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Louis-Noël Bestion de Camboulas, un musicien aux curiosités multiples

Louis-Noël Bestion de Camboulas, organiste en résidence à Royaumont (2015-2018), dirige également l’ensemble Les Surprises. Il a très aimablement répondu à nos questions sur ses activités variées de soliste, de chef et de créateur.

Les Amis de Royaumont : Vous avez une activité foisonnante à Royaumont et ailleurs : concert d’orgue, concert avec Les Surprises, préparation de spectacles pour adultes et pour enfants. Vous vous intéressez à de nombreux types de musique. Par quel genre de musique avez-vous commencé ?

Louis-Noël : J’ai commencé la musique par le piano et l’orgue avec de nombreux répertoires différents. Mon professeur de piano était aussi organiste de la cathédrale de Luçon en Vendée. Le répertoire de l’orgue est vaste : j’ai commencé bien sûr avec le répertoire baroque autour de Bach mais assez vite j’ai travaillé la musique des 19e et du 20e siècles, ce qui m’a permis d’apprécier très tôt des musiques variées. Ensuite, au conservatoire de Nantes, je me suis mis au clavecin, ce qui m’a donné une approche plus précise du répertoire baroque mais aussi de la musique de chambre : en effet, avec le clavecin, outre le répertoire soliste, il y a aussi le continuo. Dans cet esprit, l’ensemble Les Surprises que j’ai créé se consacre à la musique baroque. Quant à mon activité d’organiste, elle porte sur des musiques qui vont du 17e siècle à aujourd’hui.

Les Amis de Royaumont : Nous avons constaté votre intérêt pour la musique actuelle le 19 mai dernier avec la fenêtre sur cour[s] autour du projet Organ patterns [le spectacle correspondant sera donné dans le cadre du festival de Royaumont le 8 octobre 2017]. Quelle est votre démarche selon les répertoires ?

Louis-Noël : J’ai plusieurs répertoires de prédilection. La musique française baroque, à laquelle je m’intéresse beaucoup avec Les Surprises, est un de mes cœurs de recherche car je trouve qu’il y a beaucoup de musique peu jouée ou pas du tout jouée à redécouvrir. Mais cela ne nous empêche pas de jouer aussi de la musique allemande. Avec l’orgue, on choisit un répertoire en fonction de l’instrument : certains orgues sont faits pour jouer du Bach, d’autres pour jouer de la musique symphonique française. Je joue beaucoup de musique de compositeurs vivants, surtout sur des orgues de la fin du 19e siècle ou du 20e siècle, comme l’orgue de Royaumont. Comme j’aime aussi tout ce qui touche à l’expérimentation, celui-ci m’offre de grandes possibilités dans ce domaine.

Louis-Noël Bestion de Camboulas présente Organ Patterns

Les Amis de Royaumont : À ce propos, comment êtes-vous arrivé à Royaumont ?

Louis-Noël : J’ai gagné le concours d’orgue de Toulouse en 2013, un des grands concours d’orgue européens. Son originalité est que chaque candidat choisit le programme qu’il propose et l’instrument sur lequel il a envie de le défendre car la ville comprend de nombreux instruments intéressants. Les jurés ont donc entendu des programmes complètement différents. Sylvie Brély (directrice du Programme Claviers de Royaumont) était présente : elle cherchait un organiste qui viendrait régulièrement jouer l’orgue Cavaillé-Coll de la Fondation. En effet, jusqu’ici, celui-ci n’était joué que ponctuellement et il n’y avait pas de projet à long terme.

Les Amis de Royaumont : La musique, c’est aussi pour vous une histoire de famille. Comment l’envisagez-vous ?

Louis-Noël : Nous sommes 5 frères et nous sommes tous musiciens. À la base, nous sommes 5 claviéristes : clavecin, orgue, etc. Un des frères est maintenant surtout chef de chœur, Gabriel est surtout comédien et metteur en scène ; quant à Roman, il est plus sur les claviers contemporains, sur la musique électroacoustique : il participe au programme Organ patterns. Chacun a ses projets de son côté mais il nous arrive de travailler ensemble sur des projets particuliers, comme à Royaumont, et c’est assez agréable quand cela se produit.
En particulier, je prépare un spectacle pour enfants en collaboration avec mon frère Gabriel Bestion, comédien, metteur en scène et musicien. Basé sur l’histoire de la sorcière Baba yaga et de la petite fille qui vient la voir, le programme comprend des transcriptions pour orgue d’extraits des Tableaux d’une exposition de Moussorgski et de Ma Mère L’Oye de Ravel, qui colorent bien la musique. Gabriel est surtout le conteur et il manipule aussi des marionnettes. Je joue des pièces à l’orgue tout seul et à quatre mains avec lui. Nous l’avons déjà expérimenté en mai pour les familles et ça a très bien marché. Il sera donné les 2 et 3 octobre pour les scolaires.
On peut citer plusieurs fratries de musiciens, comme les Hantaï, bien connus à Royaumont, ou les La Marca : l’altiste Adrien La Marca, avec qui j’ai travaillé, a un frère violoncelliste, ou encore Alice Julien-Laferrière, sœur du violoncelliste Victor Julien-Laferrière, qui est violoniste dans les Surprises, tandis qu’un troisième frère joue du cor.

Les Amis de Royaumont : Pouvez-vous nous parler des particularités de l’orgue de Royaumont et de la manière dont vous l’utilisez ?

Louis-Noël : Ce que je trouve intéressant à Royaumont, c’est l’emplacement de l’orgue. Dans les églises, l’orgue est en hauteur et on ne voit pas le musicien, tandis qu’à Royaumont on le voit vraiment : le public peut s’approcher de la console qui est au sol et comprendre le fonctionnement. En général, l’organiste est le plus souvent un soliste isolé, qui fait beaucoup de récitals. La disposition de Royaumont permet de faire autre chose : grâce à la proximité, j’ai pu développer des projets associant l’orgue à d’autres musiciens : orgue et alto (2015), orgue et voix (2015), orgue et instruments à souffle (Organ patterns) (2017).

Louis-Noël Bestion de Camboulas présente l’orgue Cavaillé-Coll de la Fondation

Les Amis de Royaumont : Plus généralement, quel est votre rôle pour l’orgue de Royaumont ?

Louis-Noël : Je viens une fois par mois pour jouer l’instrument et rendre compte de son état. Mais comme il est joué assez souvent, en particulier par les élèves du CNSM (Conservatoire national supérieur de musique de Paris) qui viennent le dimanche, il est arrivé que je vienne un peu avant pour détecter le besoin d’un entretien particulier. J’interviens directement pour des choses très simples. Sinon, nous faisons appel à un prestataire situé à Paris, qui vient assez facilement si nécessaire. Il vient d’ailleurs systématiquement environ 3 fois par an accorder l’instrument avant les concerts.
Pour éviter les chocs de température néfastes à l’instrument, on ouvre le moins possible la porte du réfectoire même si celui-ci est maintenu à une température constante en toute saison. Mais la température monte quand le réfectoire est utilisé pour des mariages ou des cérémonies et qu’il y a beaucoup de monde. L’orgue est une grosse machine mais c’est un instrument assez délicat qui réagit beaucoup aux changements de température. C’est le cas de tous les instruments, en particulier du clavecin qu’il faut accorder avant chaque concert. En outre, ma présence régulière me permet de bien connaître les équipes de Royaumont.

Les Amis de Royaumont : Quels sont vos futurs projets à Royaumont ?

Louis-Noël : Royaumont a des liens avec de nombreuses institutions : c’est une sorte de plate-forme qui permet aux musiciens en résidence d’y créer des spectacles puis de les diffuser. Nous espérons ainsi donner notre programme Organ patterns dans d’autres lieux, festivals, salles de concert où il y a des orgues : il y en a assez peu en France mais beaucoup plus en Hollande, en Suisse, en Allemagne.
Pour notre troisième année de résidence, nous allons travailler en 2018 sur un programme orgue, voix et harpe. À l’horizon 2018-19, nous avons aussi un projet de CD avec l’orgue de Royaumont comportant un extrait de tous les programmes que j’ai pu concevoir à Royaumont avec tous mes collègues musiciens, une espèce de carte de visite de l’orgue de Royaumont avec toutes les possibilités qu’offre l’instrument.
Il faut que l’instrument soit au mieux de sa forme pour l’enregistrer. Mais, en ce moment, il est un peu fatigué. Il faudrait lancer un relevage, qui consiste à enlever tous les tuyaux, nettoyer toute la mécanique et réaccorder le tout. Comme il est classé instrument historique, la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) doit valider le projet et le financer en partie, et la fondation Royaumont doit en outre trouver du mécénat.

Les Amis de Royaumont : Où en sont vos projets avec l’ensemble Les Surprises ?

Louis-Noël : Je travaille avec Thomas Vernet, le directeur de la Bibliothèque musicale François-Lang, à la fois pour l’orgue et pour l’ensemble Les Surprises. En effet, la bibliothèque contient des partitions de musique baroque, beaucoup de musique d’opéras français, des cantates, des motets du début du 18e siècle. L’année prochaine, nous ferons une petite résidence en bibliothèque avec Les Surprises pour travailler sur des partitions.
Les Surprises sont en résidence pour trois ans au festival baroque de Pontoise jusqu’en 2018. En collaboration avec le festival de Pontoise et le CMBV (Centre de Musique Baroque de Versailles), nous allons recréer Issé, un opéra de Destouches qui n’a jamais été rejoué dans sa version originale. La partition se trouve dans la bibliothèque François-Lang : Royaumont sera donc dans la boucle avec la partition et le travail préparatoire. Cela demande un gros effectif avec 32 musiciens sur scène. Nous allons le donner à Versailles et à Pontoise et nous allons l’enregistrer.

Les Amis de Royaumont : Vous êtes donc bien occupé avec ces multiples activités.

Louis-Noël : Oui, je donne beaucoup de concerts aussi bien à l’orgue qu’avec Les Surprises. Je joue assez régulièrement avec le chœur Aedes : nous avons un programme orgue et chœur avec les Vêpres de Philippe Hersant et de la musique romantique. Nous avons aussi donné avec eux et les Surprises la Passion selon Saint-Jean de Bach l’année dernière. C’est un chœur magnifique avec lequel j’aime bien travailler.

Les Amis de Royaumont : Nous vous souhaitons le plein succès de tous vos projets et nous vous retrouverons avec plaisir au Festival.

Un reportage de France 3 qui montre Louis-Noël Bestion de Camboulas au travail

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Pistes d’écoute de la musique d’aujourd’hui

La création musicale a toujours existé. Mais notre époque s’intéresse plus à la musique d’hier qu’à la musique d’aujourd’hui. Comment donc comprendre les répertoires, les influences, les techniques et oser partir à la rencontre de cette musique apparemment très complexe, mais qui fait partie de notre temps ?

Pour aborder ces questions, une vingtaine d’Amis de Royaumont ont participé à un atelier de découverte de la musique contemporaine, proposé par Jean-Philippe Wurtz, directeur artistique du programme Voix Nouvelles, le mercredi 6 septembre.

Cet événement se déroulait dans le cadre du programme Voix nouvelles qui accueille 14 jeunes compositeurs et 10 jeunes interprètes de musiques actuelles (formant l’académie Voix nouvelles), entre les deux concerts des interprètes et juste avant le week-end consacré aux musiques de notre temps.


Les jeunes interprètes formés lors de l’Académie Voix Nouvelles

Jean-Philippe Wurtz a débuté la soirée en racontant son propre parcours. Intéressé depuis son plus jeune âge par la création et l’innovation artistique, il s’est formé comme chef d’orchestre. Avec son ensemble Linéa, basé à Strasbourg, il crée de nombreuses œuvres nouvelles. La proximité avec les compositeurs est un élément essentiel de son engagement. Ce que confirment trois jeunes artistes de l’Académie Voix nouvelles, qui participaient à cet échange. Kathryn Williams, flûtiste, a commandé des œuvres à plusieurs compositeurs avec comme consigne qu’elles doivent être jouées en un seul souffle. Cette contrainte a donné naissance à des œuvres extrêmement variées, qu’elle a jouées avec brio. Madison Greenstone, clarinettiste, et Mimi Doulton, soprano, ont également joué des œuvres récentes, dont elles connaissent les compositeurs.

Pour Léo Warynski, chef d’orchestre, directeur des ensembles Multilatérale et Les Métaboles, qui s’exprimait ensuite, il n’y a pas de différence entre les œuvres contemporaines et les œuvres plus anciennes : la mise en place et la direction des pièces demande le même travail.


Léo Warynski dirigeant Les Métaboles lors du Festival de Royaumont

La projection d’un film documentaire sur le compositeur et chef d’orchestre Peter Eötvös, qui a suivi, montrait bien le contexte et l’esprit de la création mais aussi la puissance et la subtilité des œuvres jouées.

Les participants se sont ensuite exprimés sur leur ressenti des œuvres d’aujourd’hui. L’un d’entre eux remarque la brutalité des attaques dans certaines œuvres, en particulier la pièce chantée pendant cette soirée. Il s’interroge sur le danger que cela représente pour la voix. Un autre reconnaît ne pas réussir à entrer dans les œuvres contemporaines. Jean-Philippe Wurtz indique que la clef d’entrée peut provenir d’une œuvre particulière qui, un jour, emporte l’auditeur. Dans l’immense variété de la création actuelle, il existe suffisamment de pièces variées pour que chacun rencontre un jour l’œuvre qui le fera basculer : certaines jouent sur l’étirement du temps, d’autres sur la variété des timbres, d’autres sur la répétition des rythmes ou au contraire sur leur diversité, etc. Mais tout dépend de l’attitude d’ouverture que chacun peut adopter.


Dialogue entre deux générations de compositeurs lors de l’Académie Voix Nouvelles

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Nos prochains rendez-vous

Le Festival de Royaumont dure jusqu’au 8 octobre.

Le 23 septembre, il sera l’occasion d’une rencontre avec des Lauréats de la Fondation, notamment deux anciens boursiers des Amis de Royaumont, entre deux concerts qui réuniront les chanteuses et chanteurs Guillaume Andrieux, Stéphane Degout, Karine Deshayes, Christian Immler, Doris Lamprecht et Chiara Skerath.

Le 24 novembre, aura lieu le dîner annuel des Amis de Royaumont.

Au plaisir de vous y retrouver !