Marthe Davost : témoignage d’une jeune lauréate de Royaumont

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16h30. C’est l’heure d’une pause bien méritée pour les jeunes chanteuses et chanteurs réunis pour la formation « Chant sur le Livre ». Entre deux séances de travail sur cette technique de la Renaissance, les artistes se détendent un instant au salon des résidents.
C’est là que l’une d’elles, la soprano Marthe Davost évoque son parcours et ce que Royaumont lui apporte…

Comment vous êtes-vous formée au chant ?

Marthe Davost : J’ai étudié la musique à Rennes. Petite, j’étais à la maitrise de Bretagne, puis j’ai intégré la maîtrise de notre dame de Paris. J’ai étudié 5 ans au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris.

Vous souvenez-vous de votre premier séjour à l’abbaye ?

Marthe Davost : C’était en juillet 2018, avec Moshe Leiser et Patrice Caurier, pour un travail sur Don Giovanni de Mozart. On a mis en scène le premier acte puis on l’a présenté en Fenêtre sur cour[s]. Moi, j’ai travaillé le rôle de Zerline. C’étaient 15 jours merveilleux ! Patrice et Moshe sont de véritables personnalités de la scène. Rencontrer des professionnels pareils, c’est une immense chance que nous donne Royaumont. Sans cela, nous, les jeunes chanteurs, nous ne rencontrerions jamais ces personnes qui mènent une belle carrière depuis 35 ans. Ils nous apportent énormément par leur façon de creuser l’œuvre pour que nous allions en chercher toute la substance. Ils nous poussent à donner tout ce qu’on peut donner au personnage. Je suis ressortie de ce séjour avec le personnage de Zerline en moi, dans ma voix. J’avais désormais une idée exacte des intentions que je pouvais donner. C’est très précieux pour la suite. Si un jour, je suis « castée » pour Zerline, je l’ai déjà dans mon corps grâce à cette formation.

Formation Don Giovanni, 2018

Vous avez également étudié ici des techniques de chant radicalement différentes…

Marthe Davost : J’ai en effet suivi des formations autour de la musique médiévale. Cela n’a rien à voir avec Mozart mais c’était et c’est toujours extraordinaire. La première était avec David Chappuis, de la Haute Ecole de Musique de Genève. Il m’a appris la lecture sur manuscrit, le contrepoint du quatorzième siècle, celui de l’ars nova français. On a travaillé sur les motets de Philippe de Vitry. On va d’ailleurs continuer prochainement… Moi, je suis chanteuse lyrique mais j’ai la particularité de faire aussi beaucoup de musique médiévale. J’aime énormément ça. Je ne veux pas sacrifier l’un pour l’autre. Être au contact du manuscrit, grâce à quelqu’un qui connaît le contrepoint, qui peut me guider, m’apprendre les techniques d’autrefois, je n’aurais jamais pu faire ça ailleurs. J’ai appris la solmisation, un procédé qui a été employé jusqu’au XVIIIe siècle. Cela représente tout un pan de l’histoire de la musique. J’en avais entendu parler, parce que j’avais pris une option au conservatoire sur la musique médiévale, mais je n’avais jamais pu aborder cette technique. Là, j’ai passé 4 jours dans les manuscrits avec David comme guide. C’était extraordinaire !

Ce n’était que la première d’une série de formations dans ce domaine…  

Marthe Davost : J’ai également suivi une formation avec Patrizia Bovi, qui est italienne. C’était donc à propos de l’ars nova italien. On a principalement travaillé sur l’interprétation. Elle nous a expliqué comment poser notre voix sur cette musique-là, qui ne s’interprète pas du tout comme de la musique classique, avec des tensions et des détentes, mais de façon plus directe. Cette formation a eu un deuxième volet en Italie, dans le village de Patrizia, Spello, à côté d’Assise. On y a donné deux concerts puis un concert à Royaumont. C’est un projet qui a vraiment abouti à la formation d’un groupe très homogène. D’ailleurs, on donne quelques concerts ensemble….

Formation Chant sur le livre, 2022

On vous retrouve enfin à l’affiche de Pelléas et Mélisande

Marthe Davost : C’est l’Unité Scénique de Royaumont qui a produit ce projet. L’été dernier, on a eu trois semaines de répétitions à l’abbaye avec Moshe Leiser et Patrice Caurier. Moi, je tiens le rôle de Mélisande. Récemment, on a eu deux nouvelles semaines de répétitions à Toulon, avant une tournée qui est organisée par la Fondation. C’est une immense chance de pouvoir y participer ! Royaumont nous donne une opportunité unique !

Royaumont contribue donc au début de votre carrière…

Marthe Davost : Oui. Depuis que je suis lauréate, Royaumont m’a envoyé plusieurs avis d’audition. Nombre de ces auditions aboutissent à un rôle. J’ai eu beaucoup de travail ces trois dernières années grâce à la Fondation. J’en remercie l’équipe. Je lui ai écrit à ce propos… Je sais que la Fondation réunit de nombreux mécènes. J’en ai rencontré certains, à la fin de notre représentation de Pelléas et Mélisande. Les partenaires publics, les séminaires, les mariages et les visites du monument contribuent également à son budget. C’est grâce à tout cela que nous, les jeunes artistes, pouvons bénéficier de ces temps de formation dans un lieu magnifique, avec des repas pris en charge. Pour une jeune artiste, c’est précieux, parce que je n’aurais pas forcément les moyens de séjourner ici. Quand on sort du conservatoire, on ne peut pas s’offrir une formation de ce genre. Royaumont nous offre un cadre unique, au milieu de la nature, coupé du monde. On est au calme, loin de l’agitation parisienne. On peut travailler de façon privilégiée en compagnie de professionnels qui nous donnent d’excellents outils artistiques pour pouvoir continuer avec un bagage bien étayé. Merci pour tout ça !

En savoir plus sur les ateliers de formation professionnelle à Royaumont


La Fondation Bettencourt Schueller est le mécène principal du Pôle Voix et répertoire de la Fondation Royaumont.