Nouvelle collection du jardin d’inspiration médiévale [2022-2025]

L’exposition végétale permet d’explorer les rapports avec l’environnement au Moyen Âge.
Cette passionnante immersion dans les paysages d’une micro-forêt imaginaire nous plonge dans notre histoire.


La nouvelle thématique : l’arbre dans le quotidien médiéval

La nouvelle exposition végétale propose d’explorer le quotidien des femmes et des hommes médiévaux et leurs liens avec les arbres.

L’arbre, banal, quotidien de par ses usages, est l’une des composantes principales de la vie domestique. Sa participation dans la vie médiévale, qu’elle soit utilitaire, médicinale ou symbolique, revêt un caractère intime, comme une familiarité évidente. Fête de village autour de l’arbre de mai, culture de fruitiers dans les domaines royaux, les monastères et les vergers, chasse dans les garennes et les bosquets, bois de chauffe ou de construction… L’arbre est au cœur de la vie et de sa bonne gestion dépend l’épanouissement de la société, ou de ce que Michel Pastoureau appelle une « civilisation du bois ».

Dans un autre champ, les investigations et observations botaniques des érudits du Moyen-Âge traduisent une intimité bien spécifique avec le règne végétal. Elle se tisse progressivement avec l’observation du fonctionnement des plantes, la notation d’analogies… Les encyclopédies révèlent cette bonne connaissance des espèces, de la forêt au verger, et de leur exploitation fructueuse. Le bois est considéré comme un matériau noble d’une plus grande valeur que la pierre ou le métal car, à l’inverse de ces derniers, il est considéré comme une matière vivante.

Les ouvrages scolastiques du Moyen-Âge, dans la lignée des études naturalistes grecques an-tiques, décrivent les variétés de formes végétales, dans un discours souvent plus gourmet que scientifique, également moral et symbolique.

Enfin, il n’est pas anodin que l’arbre généalogique, tel que nous le connaissons aujourd’hui, se développe au Moyen Âge. A lui seul, il symbolise l’imaginaire d’une époque qui lie les humains et les arbres : le sang y est sève, le mariage une greffe, le lignage une branche, les enfants des fruits…

Le parcours : de l’arbre isolé à la forêt profonde

Cette sixième collection propose une déambulation en 6 étapes, qui permet de s’immerger au milieu des arbres, comme auraient pu le faire un homme ou une femme du Moyen Âge.

De la localisation de chaque arbre découlait la nature du lien que les hommes entretenaient avec lui. Le parcours guide le visiteur, depuis l’arbre isolé, vers le verger, la haie et les lisières, le sous-bois, la forêt utile, jusqu’à la forêt profonde.

Le parcours fait état des usages quotidiens de chaque essence et de l’imaginaire collectif qui s’est développé autour d’elle. La plantation devient, au fil du parcours, de plus en plus dense, à l’image du chevalier qui s’enfonce progressivement dans la forêt, à la recherche d’aventures. La scénographie renseigne également sur les catégories des espaces boisés : « bois revenants », « bois de garde », « garennes »…

Pour chaque espèce, des informations succintes sont données sur ce qu’en savaient les hommes et les femmes du Moyen Âge, l’usage qu’ils en faisaient et l’image qu’ils en avaient, tels qu’ils nous ont été transmis.

Paysage n°1 – L’arbre isolé, solitaire, point de repère

Il est au centre de villages, de places urbaines ou à la croisée des chemins. L’arbre isolé est fortement symbolique. Il sert de point de repère, de point de rassemblement. Il est souvent d’essence noble. Quelques exemples… Le tilleul, l’arbre de joie, sous lequel prennent place fêtes et réjouissances ; le chêne de Saint Louis à Vincennes, symbole de la justice ; ou l’orme de Saint Gervais à Paris, qui servait à la fois de repère géographique et de lieu de réunion pour la population du quartier.

Paysage n°2 – Le verger

Le verger est un lieu clos dont toute menace est exclue, où la nature est maîtrisée et où les jeux courtois entre dames et chevaliers prennent place. L’arbre y est nourricier et symbole de vertus. Les essences sont parfois exotiques. Le verger est composé d’arbres tiges plantés de manière régulière, d’essences diverses : pommiers, figuiers, poiriers…

Dans le Roman de la Rose, Guillaume de Lorris (1200-1238) décrit un verger comportant toutes sortes d’arbres pouvant porter des fruits, mais aussi des arbres de la forêt. « Ces arbres », précise Guillaume de Lorris, « sont éloignés l’un de l’autre de la distance qui convient : il y a de l’espace entre eux, mais comme leurs branches sont longues, ils dispensent un ombrage tel que le soleil ne peut nuire à l’herbe tendre ».

Paysage n°3 – Les haies et les lisières

Le mot « haie » au Moyen-Âge peut à la fois désigner une zone boisée faisant office de frontière sur les limites d’un domaine ou d’un territoire, ou bien, comme de nos jours, une clôture végétale composée d’arbustes (buissons, ronces, épines) ou d’arbres en ligne, qui limite une parcelle et forme un brise-vent. Ces haies sont aussi sources de production de certains fruits et baies, de bois pour la vannerie et de chauffe. Les besoins en vannerie, par exemple ont dessiné les paysages des bords de rivière avec des plantations spécialisées et des formes spécifiques : les saules étaient taillés de façon à produire périodiquement des rejets aisés à couper.

Paysage n°4 – Le sous-bois

Les arbres des sous-bois étaient largement utilisés. Les forêts autour des villes étaient indis-pensables pour la consommation domestique (chauffage et cuisson). Elles étaient aménagées par les habitants qui donnaient aux arbres la forme qu’ils souhaitaient. Elles étaient menées en « taillis », c’est-à-dire en zones où les arbres, coupés à intervalles réguliers (8, 10 ou 15 ans), produisent de jeunes pousses, les « rejets », utiles pour l’artisanat, les ustensiles ménagers qui n’allaient pas au feu, la fabrication d’outils, les clôtures, les piquets… Parfois, ces taillis étaient « sous futaie » : certains arbres sont régulièrement coupés au niveau de la souche (« recépés » pour utiliser le terme technique) mais d’autres sont laissés libres de s’élancer vers le ciel et de produire des « fûts » élevés et droits. Roland Bechman dans son ouvrage Des arbres et des hommes, parle de « subtile connivence entre l’arbre et l’homme » lorsque ce dernier surveille des années durant le développement d’une branche propre à fournir l’outils dont il aurait besoin.

De nombreux métiers, aujourd’hui oubliés, dépendaient de l’exploitation de ces bois et taillis : sabotiers, charbonniers, pelonniers (qui fabriquent des objets ou instruments domestiques), cueilleronniers (fabricants de cuillères), boisseliers escriniers (fabricant d’écrins), broquiers (fabricant de brocs), huchiers (fabricants de huches), peleurs d’écorces… Chacun de ces métiers exige un savoir-faire, transmis de père en fils.

Paysage n°5 – La forêt utile

Dans la forêt utile (« forestis sylva »), l’arbre sauvage est domestiqué afin de pourvoir aux besoins de bois de charpente et d’œuvre : construction de maisons urbaines et rurales, édifices publics et religieux, ponts et enceintes. Il sert aussi à la tonnellerie, la fabrication de charrettes, de bateaux, de barques… Cette forêt, organisée en « taillis sous futaie », est aussi pourvoyeuse d’arbres fruitiers, comme les pommiers, pruniers, chênes (glands), hêtres (faines) ou châtaigniers, et de baies. Les droits d’usages y sont généralement réglementés. Par exemple, les garennes sont des bois clos, réserves de chasse seigneuriale.

Paysage n°6 – La sylve : la forêt profonde

Originellement, le mot « forêt » est un terme juridique. Ce sont donc les espaces qui échappent aux juridictions légales qui sont évoqués ici. Cet autre visage de la forêt, la forêt profonde, reste peu exploré. C’est un taillis sous futaie dense, voire impénétrable, lieu de refuge des brigands, fous, fugitifs, persécutés, amants, ermites ou chevaliers en quête d’aventure. Leur vie est racontée dans les contes et légendes du folklore populaire. A certaines étapes clés de ces récits, des arbres jouent un rôle ou portent de puissants symboles. Traverser la forêt peut constituer un rite initiatique, où la lisière joue un rôle de frontière.

Les végétaux exposés

Liste non-exhaustive…

Abies nordmaniana- Sapin                                            Olea europea – Olivier commun

Acer pseudoplatanus- Sycomore faux platane        Pinus sylvestris- Pin sylvestre

Betula nigra- Bouleau                                                     Populus tremula – Tremble

Buxus sempervirens- Buis                                             Prunus spinosa – Prunellier

Carpinus betulus – Charme commun                         Pyrus communis – Poirier commun

Castanea sativa – Chataignier                                      Quercus petraea – Chêne sessile

Celtis australis – Micocoulier                                        Quercus robur – Chêne pédonculé

Corylus avellana – Noisetier commun                        Rosa canina – Cynorhodon

Crataegus monogyna – Aubépine                                Salix alba – Saule blanc

Cupressus sempervirens – Cyprès                              Salix viminalis – Saule osier

Fagus sylvatica- Hêtre                                                    Sambucus edulus – Petit sureau ou yèble

Ficus carica – Figuier                                                     Sorbus torminalis – Alisier

Fraxinus excelsior – Frêne                                             Taxus baccata – If

Ilex aquifolium – Houx                                                   Tilia cordata- Tilleul à petites feuilles

Juglans regia – Noyer commun                                    Ulmus minor « ‘Sapporo Gold » – Orme

Malus domestica – Pommier

Mélange herbacé…

Primula verris (Primevère officinale), Luzula sylvatica (Luzule des bois), Dryopteris filix-mas (Fougère mâle), Bunium bulbo castanum (Noix de terre), Polygonatum multiflorum (Sceaux de Salomon), Angelica sylvestris (Angélique des bois), Stachys sylvatica (Epiaire des bois), Allium ursinum (Ail des bois), Geum urbanum (Benoite urbaine), Arum maculatum (Arum tacheté), Rubus fructicosus (Ronces / mures), Agrostis capillaris (Agrostide capillaire), Festuca ovina (Fétuque ovine), Origanum vulgare (Marjolaine vivace), Centaurea cyanus (Bleuet des champs), Achillea millefolium (Achillée millefeuille), Leucanthemum vulgare (Marguerite), Plantago lanceolata (Plantain), Silene vulgaris (Silène commun), Rubus idaeus (Framboises)…

Royaumont, au service de la biodiversité

A la fin de l’exposition, les arbres ne seront pas jetés mais replantés. Royaumont s’engage en effet en faveur de la biodiversité.

Dans un communiqué daté du premier décembre 2016, le Cabinet de la Secrétaire d’Etat chargée de la Biodiversité avait distingué le Jardin des neuf carrés de l’abbaye de Royaumont : « Si la question climatique est aujourd’hui perçue comme un enjeu essentiel par la société, celle de la biodiversité demeure largement sous-estimée. Et pourtant, du fait des activités humaines, sous l’effet de modifications d’habitats, de surconsommation des ressources, des pollutions, des espèces exotiques envahissantes, du réchauffement climatique, le taux de disparition des espèces naturelles atteint des seuils qui rendent impossible leur régénération. (…) Beaucoup d’initiatives sont prises sur les territoires. (…) C’est dans ce cadre que Barbara Pompili, Secrétaire d’Etat à la Biodiversité, a décerné le label « J’agis pour la biodiversité » à l’Abbaye – Fondation de Royaumont pour son action « Le jardin des neuf carrés à l’Abbaye de Royaumont ».

Les expositions botaniques du jardin des 9 carrés s’inscrivent en effet dans un projet pédagogique plus vaste. Chaque année, plusieurs dizaines de milliers d’enfants viennent à l’abbaye de Royaumont. Ils y sont sensibilisés à l’importance de la préservation de l’environnement, au travers de visites ou d’ateliers pratiques.

Par ailleurs, aucun produit phytosanitaire n’est utilisé à Royaumont. Les pyrales du buis, des papillons nocturnes qui pondent sur les feuilles de l’arbuste et dont les chenilles font des ravages, sont combattus avec de la bacille de thuringe. Dans le parc, la tonte est différenciée (les hauteurs de coupe varient selon les zones, pour sauvegarder la microfaune) et effectuée en « mulching » (fertilisation naturelle du sol grâce à l’apport azoté de l’herbe coupée, restée sur place). Les déchets verts sont compostés. La prairie de 2 000 m2 n’est fauchée qu’une ou deux fois par an pour qu’elle serve d’abri aux  insectes, petits mammifères, reptiles et oiseaux… Neuf ruches sont installées sur le site. L’arrosage se fait manuellement et très rarement. Même lorsqu’ils s’occupent d’un jardin d’inspiration médiévale ou d’un espace dessiné au début du vingtième siècle, les deux jardiniers de la Fondation s’inspirent ainsi des techniques de préservation de l’environnement les plus contemporaines.

Quelques livres à propos des arbres, à retrouver à la librairie-boutique de Royaumont

Située à l’entrée de l’abbaye, la librairie-boutique de Royaumont réunit culture et bien-être dans un magasin à taille humaine, à l’abri de la foule et du bruit. Véritable vitrine de l’abbaye et de la Fondation Royaumont, elle abrite un vaste choix de beaux-livres et d’essais de référence sur la musique, la danse, l’architecture, l’histoire, les plantes et les jardins…

La forêt au Moyen Âge, une somme de 424 pages récemment parue aux éditions Belles Lettres et  coordonnée par Sylvie Bepoix et Hervé Richard, y est mise en valeur.

Le libraire conseille également

La douceur de l’ombre d’Alain Corbin (Flammarion)

Les arbres, entre visible et invisible d’Ernst Zürcher (Actes Sud)

Arbres et arbustes en campagne de David Dellas (Actes Sud)

La vie secrète des arbres de Peter Vohlleben (Les Arènes)

Mythologie des arbres de Jacques Brosse (Payot)

L’homme qui plantait des arbres de Jean Giono (Gallimard)

Les arbres et les plantes qui restent à découvrir d’Olivier Tallec (Actes Sud, jeune public)

La forêt, un Moyen-Âge enchanté de Géraldine Mocellin (Snoeck)