2007-2010


Un jardin renouvelé

En 2004, l’abbaye royale de Royaumont se dotait d’un jardin d’inspiration médiévale, le succès fut immédiat.
Planté au pied de cette superbe abbaye fondée au XIIIe siècle par Saint Louis, il en orne le flanc sud : les cuisines des moines au Nord et le réfectoire à l’Est le protègent, tandis qu’un canal le borde au sud. Une exposition idéale, un cadre exceptionnel, des plantes bien acclimatées, ont valu au jardin de recevoir du Ministère de la culture, le label de « jardin remarquable ».

Une architecture médiévale

Regroupant les rares connaissances que nous possédons sur les jardins médiévaux, le paysagiste Olivier Damée a dessiné 9 carrés de culture rehaussés de plessis de châtaignier. Autour de cet espace central se répartissent une table du savoir, un jardin des pieds-mères et un petit verger, tandis qu’une vigne s’appuie sur le pignon du réfectoire.
Le paysagiste a ensuite choisi d’enrichir l’ensemble d’éléments d’ornementation, pour le plaisir de la promenade : haie d’osier vivant tressé, pergola…

Au service d’une idée originale

Cet espace architecturé est aussi conçu comme un espace évolutif : les plantes présentées dans ce jardin sont choisies autour d’un thème appelé à être renouvelé périodiquement. Le premier thème retenu fut celui des plantes médicinales selon une liste de plantes dressée par Hildegarde de Bingen, une abbesse mais aussi une savante du XIIe siècle.
Trois ans après son ouverture, le moment était venu de changer de thème et de plantes !

La couleur à l’honneur !

Le principe de cette nouvelle collection, à l’inverse de la précédente, est de présenter des plantes cultivées du Moyen Âge jusqu’à nos jours. Le jardin est composé principalement de ces plantes dont furent tirées les teintures jusqu’à l’apparition des couleurs chimiques au XIXe siècle. Il présentera également des plantes « à fibres », utilisées pour le tissage. À ces plantes tinctoriales et à fibre s’ajoutent des plantes « techniques », qui permettent d’obtenir une coloration durable et stable des fibres textiles naturelles.
Ce jardin est également l’occasion d’évoquer d’anciens procédés de teinture, remontant souvent au Moyen Âge.

De la chimie au symbole

On apprendra que selon les époques, une même couleur était obtenue à partir de plantes différentes : une approche chronologique est ainsi présentée sur la table du savoir.
On retiendra aussi que les couleurs obtenues peuvent dépendre de la partie utilisée des plantes, et que la couleur produite est rarement en rapport avec la couleur des fleurs…
On découvrira que, riche et haut en couleurs, ce jardin permet d’aller à la rencontre d’un monde médiéval où les couleurs sont porteuses de sens, un sens parfois très différent de celui que nous leur attribuons aujourd’hui : c’est donc à une immersion dans le merveilleux monde du symbolisme des couleurs que nous vous convions !

Ce jardin sera associé à l’exposition prévue pour l’été 2008, qui retracera l’histoire de l’abbaye au XIXe siècle, quand le monument fut transformé en filature de coton et abrita des ateliers d’impression.
Pour mettre à profit cette visite, un guide gratuit est remis aux visiteurs, à l’entrée de l’abbaye. Mais on peut aussi choisir, tout simplement, de se laisser gagner par la beauté des plantes et des lieux…

Les neuf carrés

La mise en scène du thème de cette collection répond à son titre, “Plantes de couleur, couleur de plantes” et s’organise en cercles concentriques dans cet espace.

Plantes de couleur…

Le cercle extérieur livre une simple interprétation des couleurs, celle de la perception de notre oeil, chaque arc de cercle exprimant une couleur différente : rose, bleu, rouge… Ce cercle est bordé d’une frange de couleur blanche, fleurie d’une seule variété de plante par carré, et qui permet d’accentuer la perception des floraisons colorées.

…couleur de plantes

Le cercle intermédiaire présente des plantes à la floraison multicolore ; à proximité des cuisines des moines, sont regroupées des plantes variées dont on tire une seule et même couleur: le rouge, le jaune, le bleu ; ensuite viennent les plantes “techniques” qui entrent dans les processus de fabrication des teintures ; enfin on trouve les plantes classées selon les parties d’où sont tirés les colorants: tiges, racines, fleurs…

Des plantes à fibres

Le cercle intérieur comprend les plantes à fibres, c’est-à-dire celles dont on utilise les fibres pour la fabrication des tissus.

Les processus de la teinture en quelques mots

Au XVIIe siècle, Colbert promulgue une ordonnance qui classe les plantes tinctoriales en deux catégories, “grand teint” et “petit teint”, selon leur concentration en colorants et la qualité de la teinture produite: éclat des couleurs, résistance à la lumière et au lavage.

L’utilisation des colorants naturels et plus particulièrement des colorants végétaux est restée la seule façon de teindre les fibres jusqu’à la découverte des colorants de synthèse à la fin du XIXe siècle. Pour teindre les fibres, les colorants doivent être solubles dans l’eau et la fibre préparée à recevoir la couleur dont on a, au préalable, défini la nuance. Quatre opérations sont nécessaires, le mordançage, la teinture en elle-même, le rinçage et le séchage.

Le mordançage prépare la fibre et permet la fixation des couleurs ; on fait bouillir les fibres dans un bain chaud contenant de l’alun, du sulfate de fer ou encore du sulfate de cuivre. Certaines écorces contiennent des substances qui peuvent être utilisées pour le mordançage.

La teinture se fait dans un bain que l’on amène à température élevée (différente suivant les fibres) et dans lequel les composants colorés (tirés de l’écorce, des feuilles, des fleurs,…) ont préalablement bouilli. Néanmoins, la couleur du jus peut ensuite être modifiée, par oxydation ou avec l’emploi du sulfate de cuivre.
Autre technique, la teinture par fermentation (ou teinture à froid) dans laquelle les colorants naturels baignent plusieurs semaines dans un bain d’eau.
À noter une spécificité pour la couleur bleue qui est obtenue à partir de quelques rares plantes comme le pastel ou l’indigotier, et nécessite un procédé particulier : en effet la substance colorante n’est pas soluble dans l’eau.

Le rinçage à l’eau froide ou tiède est suivi du séchage qui se fait dans un endroit sec et aéré, les fibres ou les écheveaux étant pressés pour égouttage mais jamais tordus.
Issus de processus chimiques complexes, la teinture par les plantes n’est pas à l’abri d’imprévus, de nombreux éléments pouvant être déterminants sur les couleurs comme les conditions de pousse de la plante (nature du terrain, pluviométrie, chaleur) ou les conditions de la teinture (qualité de l’eau, hygrométrie, etc).

Un monde de symboles

par Alain Chrisment

La couleur a toujours été porteuse de nombreux sens, jusqu’à se montrer ambivalente… Aux couleurs se rattache une symbolique qui définit souvent des statuts religieux ou sociaux. La couleur est aujourd’hui au centre d’enjeux économiques puisque c’est le premier message d’un produit perçu par un consommateur. Nous savons aujourd’hui mesurer et quantifier la couleur grâce à une technologie récente : la colorimétrie.

blanc
Le blanc reste associé à la lumière divine, aux anges et aux spectres… Le blanc a été longtemps la couleur du pauvre (les colorants coûtent cher et son entretien est plus aisé). Il évoque la pureté, la propreté, il est aussi symbole de la paix, de la sagesse (cheveux blancs), de l’élite (cols blancs). La blancheur de la peau est le signe de reconnaissance des classes aisées en opposition au teint hâlé des paysans, valeur qui se retourne au XIXe siècle quand une nouvelle classe apparaît, celle des ouvriers cloîtrés dans les fabriques.
Il est incontournable pour les produits de beauté et de soins, la lingerie, le papier.

noir
Le noir a longtemps conservé une dimension négative, puis, sous l’impulsion de la réforme protestante, sa cherté le fait rechercher par les grands de ce monde, pour devenir à partir du XIXe siècle la couleur de l’élégance et du luxe.

vert
Le vert était considéré comme la couleur du “diable et du malheur”, en raison de son caractère instable comme colorant, mais aussi à cause de l’un de ses composants, toxique, l’oxyde de cuivre. Son caractère changeant en a fait la couleur du hasard (tapis de jeu).
L’association du vert et de la nature remonte seulement à l’époque romantique. Porté par la vague écologique, le vert symbolise le printemps, le renouveau (chlorophylle), et le bien-être, il revient maintenant en force dans les produits “bio” et ceux liés à la santé.

rouge
Couleur ambivalente s’il en est, le rouge est associé au pouvoir, mais aussi à l’enfer et à la mort. Elle fut celle de la robe des papes à la fin du Moyen Âge, tout comme celle de Satan dans les tableaux. C’est la couleur du sang du Christ crucifié, et celle des crimes de sang ou de la luxure…
Aujourd’hui le rouge rappelle toujours la guerre, le pouvoir et la force, l’interdiction et le meurtre. Mais il est aussi positif, vif, séduisant ; par exemple dans le monde de l’automobile, il dégage une impression de vitesse et de puissance.

bleu
Le bleu, très peu présent dans la nature, est resté rare jusqu’au Moyen Âge, quand le bleu se généralise dans l’iconographie chrétienne pour traduire le “Dieu de lumière”, installé au Ciel. Avec l’indigotier, plus riche en colorant bleu, il se répand dans l’ensemble de la société au XVIIIe siècle. À partir du XIXe siècle, il devient la couleur préférée des occidentaux, avec par exemple le bleu du jean ou des uniformes.
C’est aussi une couleur relaxante comme le bleu du ciel ou de l’eau. Largement utilisée dans l’alimentaire elle symbolise la fraîcheur.

jaune
Concurrencée au Moyen Âge par l’or auprès duquel le jaune paraît plus triste, ce dernier se pare rapidement d’une connotation négative, pour devenir la couleur emblématique des traîtres…
Au XIXe siècle, avec les peintres impressionnistes, il devient aussi la couleur de la chaleur et de la lumière. Dans le monde végétal, le jaune est la couleur du printemps car les premières fleurs de l’année sont souvent jaunes. Il évoque aussi la douceur et la saveur, comme le blé et le miel.